L’épidémie de Covid-19 traîne depuis bientôt seize ans maintenant. Elle a commencé en 2019, si mes souvenirs sont bons. J’avais dix ans quand j’ai entendu pour la première fois parler de ce virus qui aura coûté la vie à des millions de personnes. C’était la fin d’une bonne époque, la fin de notre jeunesse, en quelque sorte.
Je me souviens qu’avant cette pandémie, nous menions une vie normale, nous étions des enfants. Nous ne nous souciions de rien en dehors de la dernière carte légendaire de Zekrom que nous n’avions pas trouvée dans notre paquet de cartes Pokémon. Nous allions jouer aux jeux vidéo avec nos amis après les cours. Quelquefois, nous sortions à l’extérieur, forcés par nos parents qui prétendaient que nous étions trop collés à nos écrans. Alors, nous nous rendions au parc, nous jouions au foot ou à d’autres jeux que nous inventions. Nous allions en ville acheter des bonbons avec l’argent de poche que nos parents nous avaient donné.
Quand nous marchions dans les rues, nous trouvions amusant de courir après les pigeons et de faire semblant de leur donner des coups de pied. Nous caressions tous les chats et chiens que nous voyions. Nous allions dans les bois, le soir, afin de nous faire peur en nous racontant des histoires angoissantes, aussi épouvantables les unes que les autres. Nous faisions des fêtes d’anniversaire dans les parcs couverts, au laser-game, au bowling, ou bien nous étions invités chez nos amis pour une soirée pyjama. Toujours avec le gros gâteau et les sachets de bonbons à la fin, évidemment. C’était notre partie préférée, ne nous le cachons pas.
À l’école, nous passions notre temps à jouer à la marelle, à touche-touche et d’autres jeux de mains ou de ballon. Nous tombions, mais nous nous relevions directement comme si rien ne s’était passé. En classe, nous nous amusions à lancer des boules de papier et des crayons sur nos copains ou bien nous nous lancions des défis comme d’avoir notre nom noté au tableau par le prof, ce qui signifiait que nous recevions un avertissement. Au bout du troisième, nous écopions d’une punition. Je peux vous dire que j’ai usé plusieurs de mes crayons en bois à recopier des phrases du genre : « Je ne bavarderai plus en classe. » ou « Je ne collerai plus mon chewing-gum dans les cheveux de ma camarade. » Vous avez été enfant, vous aussi, et entre nous, nous savons que recopier cent fois une phrase ne nous empêchait pas de recommencer le lendemain.
Cette tendre et heureuse époque nous a été arrachée à cause des mesures prises par le gouvernement contre le Covid-19. Porter un masque à longueur de temps, devoir respecter une distanciation sociale avec nos amis, ne plus pouvoir aller jouer ensemble le soir après les cours. Mais à la place, rentrer directement chez nous et passer les soirées seuls dans nos chambres à entendre nos parents, à cran, s’engueuler. Le confinement nous avait privés de notre liberté et de notre jeunesse. Nous ne pouvions plus sortir avec nos amis, aller au parc, acheter des bonbons… Tout cela était interdit.
Plus tard est venue la période de vaccination obligatoire presque partout dans le monde. Nous voyions les vaccins comme « la solution miracle à tous nos problèmes ». Si seulement nous avions su qu’un simple médicament qui était censé sauver des vies allait faire bien pire… J’ai grandi dans la dernière génération à avoir vécu tous les souvenirs que je viens d’évoquer, ceux que les moins de dix ans ne connaîtront pas. La dernière génération d’êtres humains.
Les vaccins ne nous ont pas empêchés d’avoir le virus. Une souche altérée avait été développée par la plus grande des industries pharmaceutiques. Comme elle permettait de dégager plus de bénéfices, elle a supplanté toutes les autres. Mais nous a également rendus stériles. Cela fait dix ans qu’aucune femme n’a accouché, qu’aucun enfant n’a vu le jour et aucune solution n’a été trouvée par les scientifiques. Nous pensions que l’être humain allait provoquer sa propre perte via le réchauffement climatique. Mais non, il avait trouvé un moyen encore plus rapide afin d’y arriver.
Le nombre d’humains sur Terre n’arrête pas de décroître. Une étude démontre que le nombre de MST a, quant à lui, augmenté, car les gens ne prennent plus la peine de se protéger durant leurs rapports. Certains deviennent fous à l’idée de la disparition de notre espèce. C’est bête, car on ne sera tout de même pas là pour la vivre. Le seul problème est le vieillissement des plus jeunes, car une fois que nous serons tous vieux, nous n’aurons personne pour s’occuper de nous.
J’espère que quelqu’un ou quelque chose trouvera cette capsule vidéo dans quelques années, quand l’Homme ne sera plus qu’une histoire appartenant au passé. Afin de continuer à nous faire vivre à travers les récits, comme nous le faisons pour les dinosaures.
Cette vidéo datant de 2026 a été retrouvée dans une maison abandonnée en Europe, il y a -cinquante-sept ans. À ce moment-là, une grande partie du monde pensait l’Homme voué à une extinction certaine. Plus de nonante pourcents de la population mondiale a disparu sans voir d’enfant naître pour compenser cela. Mais à l’époque, nos ancêtres n’avaient pas reçu de vaccin et n’avaient donc pas été atteints par l’infertilité qui touchait le reste du monde, car ils habitaient des pays pauvres qui n’avaient pas les moyens de s’en procurer et que les pays dits développés n’avaient pas cru bon de les aider. Ils ont commencé à migrer vers les terres occidentales. Et de fil en aiguille, nous avons repeuplé certains endroits de la Terre. Nous l’avons fait tout en prenant soin de la planète afin de ne pas reproduire les erreurs du passé. Et voilà notre espèce, aujourd’hui, en 2137. Relisez vos notes, car vous aurez un contrôle sur les hommes du xxie siècle dans deux semaines.