Elle a peur, elle ne sait pas où elle est, elle ne comprend pas ce qui lui arrive.
Lina est une jeune fille de 17 ans, enfin elle croit, elle ne sait plus. Depuis combien de temps est-elle ici ? Elle ne reconnait plus rien. Elle erre dans la ville mais est-ce encore une ville ?
Dans ses souvenirs, sa ville est une ville sale où l’on a peine à respirer. Les déchets sont partout, les poubelles sont quasi inexistantes, plus personne ne fait attention au tri de ses déchets, les voitures polluent l’air. Les parcs et jardins sont inexistants, il y a du béton partout.
Mais Lina se réveille. Combien de temps a-t-telle dormi ? Mais a-t-elle dormi ? A-t-elle rêvé ? Elle ne sait pas. Il faut qu’elle retrouve ses parents, ses amis pour comprendre ce qui lui arrive.
Vaguement, elle reconnait une rue, un endroit, elle arrive à se diriger. Elle rencontre des passants qui lui disent bonjour. Dans ses souvenirs, les gens ne se parlaient pas. Mais qu’a-t-il bien pu se passer.
Maintenant, Lina a peur. Elle court mais ce n’est pas facile, car elle est pieds nus et cette chemise ou cette robe qui s’ouvre n’importe comment ne l’aide pas. Mais qu’est-ce- que c’est que cet accoutrement ? Elle ne se souvient pas de ces habits. Peut-on parler d’habits ?
Un monsieur, assez grand avec un chapeau noir et un long manteau rouge, l’interpelle : « Mademoiselle, où allez-vous comme ça ? Où courez-vous ? »
Lina lui répond simplement « Je cherche ma maison ».
Mais vous vous êtes enfuie d’une clinique, je reconnais cette robe lui dit-il. C’est la robe des patients de la clinique Sainte-Ode. C’est l’endroit où sont soigné les victimes de l’explosion.
Lina ne comprend rien. Mais de quelle explosion il parle ?
Le monsieur lui raconte : il y a de ça plusieurs mois, les gens de la ville n’en pouvant plus de la saleté et de la pollution, ont décidé de faire appel à un laboratoire pharmaceutique pour trouver un gaz qui permettrait d’assainir l’air. La firme a fini par trouver, ils ont donc décidé de pulvériser toute la ville. Seulement ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que le gaz allait s’enflammer à certains endroits et provoquer des explosions. Une centaine de personnes ont perdu connaissance et ont été amenées à la clinique Sainte- Ode. On espérait que les personnes victimes du gaz se réveillent un jour ou l’autre.
-« D’accord, dit Lina, mais dans ce cas, où sont mes parents ? Pourquoi je ne reconnais plus rien ? »
-« Le gaz a fait son travail…. » Et le monsieur part.
Lina continue de chercher des repères. Là, pense-t-elle, on dirait la boulangerie et là le petit magasin où j’achetais mes bonbons, mais il n’y a plus rien. Subitement, Lina reconnait son quartier. Elle court, elle court sur le trottoir, les dalles lui font mal aux pieds. Les dalles sont chaudes, très chaudes alors Lina doit courir plus vite pour que ses pieds ne brulent pas. Et puis elle s’arrête. Sa maison, elle la reconnait.
Rien n’a changé ici. Elle passe le petit portillon blanc, à travers une petite pelouse elle arrive aux trois marches qu’il faut gravir pour arriver à la terrasse. Celle-ci est en bois, et à l’ombre. Lina est heureuse de retrouver sa maison. Le bois de terrasse sous ses pieds est agréable. Elle se rappelle de tous les moments qu’elle a passés là, à jouer avec son chien, à attendre que son papa rentre du travail. Mais aujourd’hui, cette terrasse est déserte. La table est toujours au même endroit ainsi que les chaises. Ces meubles en bois que son papa avait mis tant de temps à monter. Et puis un été, elle se souvient, il avait enfin eu terminé de les assembler. Une grande table avec dix chaises pour faire la fête avec les amis, pour faire des barbecues. Mais y aura-t-il encore des barbecues ?
Lina continue, mais la porte d’entrée est fermée. Elle se souvient que ses parents cachent toujours un double de la clé dans la cabane au fond du jardin. Si ça se trouve la clé y est encore. Lina passe à côté de la maison et va jusqu’à la cabane. Elle soulève le petit pot de fleur et y trouve la clé de la maison. Sans plus attendre elle retourne sur la terrasse et passe la porte d’entrée. Toujours aucun signe de vie. Pas les cris de ses petits frères, ni les aboiements de son chien. Maman non plus elle ne l’entend pas. Elle arrive dans la salle à manger. Tout est parfaitement rangé. Rien ne traine. Comme si la mère de Lina avait décidé de faire du ménage avant de disparaître. Elle arrive dans le salon, là aussi tout est propre et rangé. Mais toujours pas de signes de vie. Elle décide d’aller voir dans la cuisine. Le frigo est rempli, les armoires aussi.
Alors elle se dit que ses parents vont certainement revenir. Elle monte à l’étage mais en ouvrant les portes des chambres, elle se rend compte que les armoires sont vides. Plus aucun vêtement, plus aucune veste, plus aucune chaussure. Elle ouvre la porte de sa chambre, elle ouvre sa garde-robe. Tous ses vêtements sont là. Rien n’a bougé. Lina décide de se changer. Comme ça fait du bien de quitter cette robe bizarre. Quel bonheur d’enfiler un short, un t shirt et des baskets. Au moins ses pieds ne bruleront plus. D’ailleurs elle a mal aux pieds, ils sont rouges. Elle décide d’aller dans la salle de bains pour se soigner. Là aussi à sa surprise toutes les affaires de toilettes de sa famille ont disparu mais pas les siennes. Lina décide de sa brosser les dents et de se coiffer. Pour la douche ça attendra pense-t-telle. Il faut que je comprenne où est ma famille.
Ce que Lina ne voit pas encore, c’est la lettre qui est posée sur son lit. Au moment où elle passe devant la porte de sa chambre, elle l’aperçoit.
Elle s’assied sur son lit. Tiens, c’est ma housse préférée pense-t-elle. Elle prend la lettre et l’ouvre :
« Ma chère Lina, mon bébé, ma poupée, si tu lis cette lettre c’est que tu t’es enfin réveillée. J’espère ma chérie que tu as trouvé la maison accueillante. J’ai tout fait pour que tu retrouves toutes tes affaires. Surtout, ma puce, prends le temps de te reposer, mange à ton aise. J’ignore quel âge tu auras quand tu liras cette lettre, mais d’après ce que nous ont dit les scientifiques, ton visage n’aura pas changé. Tu seras toujours Lina à 17 ans.
Je vais te raconter ce qui t’est arrivé car, d’après les scientifiques, tu ne vas te souvenir de rien.
« Nous vivions bien dans cette maison, dans cette ville. Seulement nous voulions toujours avoir plus. Nous mais je veux dire toute la population. Nous voulions avoir des machines qui cuisinent pour nous, des maisons ultra propres et qui sentent bon. Les gens voulaient avoir de l’argent, beaucoup d’argent pour s’acheter encore plus de choses inutiles. Alors on construisit encore et encore. Les gens achetèrent, louèrent, vendirent leurs biens pour faire toujours plus de profit. On voulait tout et tout de suite. La nourriture, on payait des gens pour venir nous la livrer, ou alors des plats tout préparés. Les gens voulaient de moins en moins faire les choses eux-mêmes. Perdus dans cette vie à la recherche, à la poursuite d’un bonheur qui ne s’achète pas, les gens se rendirent compte qu’ils n’étaient pas heureux. Mais pour se sentir heureux malgré tout, eh bien ils achetaient des médicaments, des drogues. Ainsi ils avaient l’illusion d’être heureux. Un jour, quelques personnes ont ouvert les yeux et se sont dit que ce n’était plus possible de continuer comme ça. On risquait de se tuer et de tuer notre ville et notre planète avec cette quête d’un bonheur artificiel. Alors ces personnes ont essayé de parler aux gens, de changer les mentalités, de passer à la télévision. Mais rien n’y faisait. Les gens leur disaient qu’ils allaient changer mais ils ne changèrent pas. Ces personnes avides de changement ont rencontré un chimiste qui leur proposa une solution radicale. Il leur proposa de pulvériser un gaz dans toute la ville. Ce gaz permettrait de nettoyer la ville de tous les polluants, et aussi changerait la mentalité des gens. Mais ce gaz coutait très cher. Ce n’était pas grave, les militants organisèrent des fêtes, des ventes pour réunir assez d’argent pour payer le scientifique. Et celui-ci pulvérisa son gaz. Seulement ce gaz explosa à certains endroits. Et il explosa près de ton école. Plusieurs de tes amis perdirent la vie, d’autres comme toi tombèrent dans le coma.
Après analyse de ce gaz, les médecins nous dirent qu’ils ne savaient pas combien de temps tu dormirais mais que ton âge était stoppé à 17 ans. Tu ne vieillirais pas le temps que tu dormirais.
Aujourd’hui, jour où je t’écris ma chérie nous sommes le 15 juin 2025. Voilà 5 ans jour pour jour que cet accident est arrivé et que tu te trouves à la Clinique Sainte- Ode. Peut-être que tu ne te réveilleras jamais, les médecins nous ont dit. Mais si tu lis cette lettre, c’est que tu es réveillée. Papa et moi avons décidé de déménager. Cette ville est folle, cette vie ne nous convient plus. La ville est propre, les habitants font plus attention mais notre style de vie d’avant a laissé des séquelles irréparables. Le soleil est brûlant l’été et l’hiver il pleut tout le temps. Nous voulons une autre vie pour tes frères et pour toi si tu nous rejoins un jour.
On t’aime de tout notre cœur. Pour toujours, ta maman »
Les joues de Lina sont inondées de larmes. Elle ne sait plus s’arrêter de pleurer. Où est sa famille ? Quelle année sommes-nous ? Allumer la télévision !!! Bien sûr, pourquoi n’y-a-t-elle pas pensé ?
Lina dévale l’escalier et allume la télévision. Nous sommes le 15 juin 2030. Dix ans que la catastrophe est arrivée !!!! Cinq ans que sa famille est partie. Elle a donc 27 ans !!!
Comment retrouver sa famille ? D’un coup, Lina pense à l’électricité. Tout fonctionne, le frigo est rempli : il doit y avoir une explication. Elle pense aux voisins, ses parents s’entendaient bien avec les habitants de la maison d’à côté. D’ailleurs c’est la maison de son copain d’enfance, Thomas. Lina court dehors et va frapper à la porte de la maison à côté de la sienne. Un jeune homme avec un bébé dans les bras lui ouvre la porte.
Lina, c’est toi ?
Thomas ?
Thomas lui explique avoir survécu à l’explosion dans l’école car il était malade ce jour-là. Ses parents lui ont donné leur maison à lui et à sa nouvelle petite famille, mais en échange il devrait payer les factures de la maison de Lina et remplir le frigo au cas où elle reviendrait.
Mais, dit Lina, sais-tu où est ma famille ?
Je l’ignore, lui répondit Thomas, mais ils m’ont laissé un indice que toi seule comprendrais.
« Nous sommes dans notre paradis, si tu en as envie viens nous rejoindre et sinon la maison est pour toi, quoi que tu fasses nous respecterons ton choix. On t’aime »
Lina partit les larmes aux yeux, elle savait où ils étaient…