« Transparente » : voilà ce que je dirais de moi si je devais me décrire…
Un peu court, n’est-ce pas ? Si on écoutait mes parents, ils diraient : « Oh ! Béatrix a de magnifiques cheveux blond vénitien, épais ainsi que de jolis yeux brun noisette ! »
A la visite médicale de l’école, la toise indique le mètre soixante. Je ne porte que des jeans, des sweats et des Converse. Je veux surtout qu’on m’oublie. Je déteste avoir quinze ans.
Par contre, je suis en pâmoison devant ma meilleure amie, Lucie. A l’inverse de moi, elle a des cheveux noir jais et des yeux verts. Elle est grande, très grande et elle a une force incroyable ! Elle bat tous les garçons de la classe à n’importe quel sport. Lucie a un mental exceptionnel ; elle sait ce qu’elle veut, ce qu’on veut, ce qui est mieux pour nous deux…
A l’école, on ne se parle pas, c’est la honte de me parler. Je suis insignifiante et en plus, Lucie a son groupe d’amis, les populaires de l’école. On se rejoint chaque soir à la gare de Hoeck de Rhode-Saint-Genèse. On s’assoit sur un petit banc où l’on doit se serrer pour pouvoir être à deux. Là, on discute de sujets comme « vaut-il mieux avoir des remords ou des regrets ? » ou plutôt « comment mettre un terme à cette vie dénuée de sens ? » ou encore « à quoi sert-on sur cette terre ? » Cette terre où rien ne va ; ce quotidien étouffant, avec des parents perdus, dans une routine assonante.
Lucie sait ce qu’elle veut et a très envie de le hurler à tout le monde. Elle veut qu’on la voie, qu’on l’entende. Elle a des choses à dire, à faire ! Son rêve, c’est de faire un coup d’état pour tout changer, tout faire basculer ! Elle trouve que dans son monde, il y a trop d’absurdité, d’hypocrisie et elle déteste cela ! Elle aimerait être comme la petite Greta qui, elle, a essayé de faire un peu avancer ce monde… Mais Lucie ne se sent pas assez intelligente. Elle préfère juste souffrir de cette impuissance qu’elle a face à cela et dire et redire qu’il faudrait changer les choses !
Moi Béatrix, c’est le contraire, j’aimerais être une ombre, passer inaperçue. Je ne veux pas être ici, ni ailleurs. Je veux qu’on m’oublie, je n’ai envie de rien. Je suis anesthésiée par la vie. Parfois, je me fais mal juste pour me rappeler que je suis toujours là, en vie… mais quelle vie !
Assez larmoyé sur notre sort. Quand on se plaint et qu’on n’a pas de solutions, c’est encore pire ! Il faut donc être RADICALES, EN FINIR.
Il faut choisir une date : on a choisi mercredi prochain, c’est parfait. Lucie a donc décidé qu’on se lancerait sur les rails, à la gare de Hoek, le train de 16 h 32 direction Bruxelles.
Voilà, je ne me suis pas dégonflée, je l’attends sur le quai…
Le train de 16 h 32 vient de passer pourtant je suis toujours là debout sur le quai.
Lucie n’est pas venue mais elle sait ce qu’elle veut, ce qu’on veut, ce qui est mieux pour nous deux…