Tout d’abord, on ne va pas se mentir : la terre a mal tourné. Très mal tourné. Tout s’est passé en novembre 2149. Alice, 19 ans, sortait de chez elle, prudente. Elle ne devait faire aucun bruit pour ne pas attirer le danger. Ce danger, c’était nous ou plutôt ce qu’il restait des « humains ». Un virus était apparu en juin 2146, ravageant des populations entières. Dans les premiers reportages, on se croyait dans la série « The Walking Dead » ou dans tous les films de zombies possibles et imaginables. C’était devenu, en quelques mois, la fin du monde.
Alice vivait à Chicago dans un petit quartier autrefois tranquille, aujourd’hui détruit et dangereux. Elle se déplaçait comme à son habitude furtivement à travers les allées, slalomait entre les voitures abandonnées et évitait tout ce qui était susceptible de faire du bruit. Sa petite sœur, Ivy, était malade, et se rendre au supermarché à deux rues de chez elle était devenu un parcours du combattant. Elle était en train de chercher de quoi soigner sa sœur lorsqu’elle entendit un craquement non loin d’elle. Elle se retourna et en vit un. Un mort vivant. Même si Alice avait déjà dû tuer beaucoup de personnes infectées comme ses parents ou des voisins, elle redoutait toujours une confrontation car ça pouvait en attirer d’autres. La seule manière de tuer un mort vivant est de lui transpercer le cerveau pour stopper tout signal nerveux dans son corps. Elle fit un détour, silencieusement, passa dans le rayon jardinage, attrapa une pelle et attendit. Quand elle fut prête, elle attaqua. Elle rata sa cible et sa pelle cogna les rayons, provoquant une avalanche, coupant la route de son attaquant. Elle en profita pour prendre les médicaments et elle courut. Tant pis pour la discrétion ; d’autres infectés arrivaient déjà, attirés par tout ce vacarme. Alice arriva chez elle, essoufflée. Elle barricada la porte du mieux qu’elle put et se rendit dans la chambre de sa sœur mais ne la trouva pas. Elle chercha partout, pensant qu’elle s’était cachée après avoir entendu le vacarme dans le supermarché. Quand soudain, une main se posa sur sa bouche. Tout devint noir.
En se réveillant, Alice ne savait pas où elle était, ça ressemblait à une cellule de prison très sécurisée. À côté d’elle se trouvait Ivy. Elle sursauta car elle n’avait pas vu l’homme qui était entré. Il s’était présenté comme Jeff, un rescapé qui sauvait le plus de personnes qu’il pouvait, pour reconstruire un semblant de communauté. Ce groupe comportait déjà une centaine de personnes. Jeff lui raconta qu’il y a deux mois, Dan (un autre des survivants), avait récupéré une radio lors de sa patrouille et qu’ils communiquaient désormais avec des scientifiques ayant trouvé refuge dans un des derniers laboratoires du CDC (Centre pour le contrôle et la prévention des maladies) à New York. Ils étaient coupés du monde extérieur, suite à l’activation du protocole de sécurité en cas de fuite de virus. Cet enfermement leur permit de mettre au point un remède, en testant leurs recherches sur des employés infectés. Enfermés, il leur était impossible de procéder à la diffusion de l’antidote. Le groupe de survivants était leur seul espoir de les aider à répandre le remède.
L’espoir et la force avaient alors regagné Alice qui était fermement décidée à les aider.
Au bout d’un mois, après avoir parcouru Chicago de long en large, la recherche de matériel permettant la diffusion du sérum était devenue très compliquée. Il faisait froid à l’arrivée de l’hiver et ils perdirent beaucoup des leurs, infectés ou tués. Leurs espoirs étaient minces car ils avaient chaque jour de plus en plus faim, froid, peur, et la seule chose qui pouvait les garder en vie était l’espoir qu’un jour tout redevienne normal.
Et ce jour arriva. Alice, Jeff et quatre autres survivants entrèrent dans un grand bâtiment militaire. Ils commencèrent à inspecter toutes les pièces une à une, jusqu’à ce que l’un d’eux aperçut quelque chose qui clignotait dans une pièce. Ils étaient à peine rentrés que Jeff reconnut ce que c’était, des drones. Ces drones avaient la capacité de parcourir 20 km chacun. L’entrepôt contenait une quarantaine de ces engins qui pourraient bien être les sauveurs de cette apocalypse.
Derrière une porte à moitié cachée par une armoire se trouvait une autre salle, plus petite cette fois. Ils y entrèrent et découvrirent un générateur capable de fournir de l’électricité à tout un bâtiment. Après avoir rechargé les drones, il restait encore le problème de la diffusion aérienne du remède sur les populations infectées. Heureusement, ils avaient emmené avec eux un ingénieur. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour trouver une idée et celle-ci était brillante. Elle consistait à connecter aux drones des appareils de diffusion de parfum automatiques qu’on trouve généralement dans les toilettes de lieux publics. En tant qu’ingénieur et avec l’aide de quelques personnes qui s’y connaissaient un minimum, la tâche devait vite être accomplie. Un groupe de personnes fut chargé d’aller chercher dans l’hôpital d’à côté une quarantaine de ces diffuseurs. Travaillant sans relâche, ils n’avaient même pas mis trois heures pour modifier les drones.
Maintenant, la dernière étape et surtout la plus cruciale les attendait, celle de la diffusion du sérum. Les scientifiques leur avaient donné la liste des constituants, un mélange de sang d’un homme infecté à deux antibiotiques, l’amoxicilline-clavulanate et les fluoroquinolones, qui se rapportaient aux médicaments contre la rage et la fièvre typhoïde, toutes deux très proches des caractéristiques de l’état de ces infectés. Le lendemain, ils sortirent tous, certains une manette à la main, d’autres avec une arme pour repousser les infectés un peu trop curieux. Alice était fière de ce qu’ils avaient accompli et avait un bon pressentiment pour le futur.
Soudain, elle eut des vertiges et tituba jusqu’à la voiture la plus proche pour s’y agripper. Elle leva les yeux et vit tous les visages de ses compagnons avec une expression de peur et de choc. Quand elle essaya de s’approcher d’eux pour comprendre ce qui les effrayait à ce point, ils eurent tous un mouvement de recul sauf Jeff, qui lui demanda si ça allait mais elle n’eut pas la force de répondre. Elle remarqua qu’ils regardaient tous vers ses pieds. Elle baissa alors la tête, et vit avec effroi la morsure qui s’étendait sur la base de sa jambe. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle avait été mordue, sûrement prise dans le feu de l’action. De toute façon, il fallait en finir avant la propagation du remède, son état était bien trop avancé.
Dans l’incompréhension et choquée de ce qu’elle venait de réaliser, elle entendit à peine les pas précipités derrière elle. Ce retour à une vie normale dont elle avait tant rêvé, ne lui serait jamais plus accessible. Elle ne se souviendrait plus de rien ni de personne, et encore moins de la balle, qui, quand elle se retourna, lui traversa la tête.