- Je m’appelle John et je me prépare à partir pour Mars. Ne vous imaginez pas que je suis un héros de la nation et que je serai le premier à poser un pied sur la planète rouge. Loin de là ! De nos jours, aller sur Mars est tout aussi courant qu’un aller-retour Miami New York.
Si je me rends sur Mars, c’est pour une raison très simple : la vie sur Terre est devenue impossible. Le taux de pollution dans l’air est tellement élevé qu’une couche épaisse et visqueuse recouvre mes vêtements dès que je mets un pied dehors. Il est devenu obligatoire et indispensable de porter un masque et ce n’est pas pour se protéger d’un éventuel virus, ce serait le moindre de mes soucis ! Sans protection, cet air pollué viendrait recouvrir les parois de nos poumons, ce qui entraînerait une mort certes rapide, mais très très douloureuse. Malgré tout, environ vingt-cinq pour cent de la population a succombé à des maladies respiratoires et cardiaques. Aucun traité, aucun accord, aucune norme anti-pollution n’a réussi à améliorer la situation.
Il y a une cinquantaine d’années, la population urbaine partait à la campagne pour échapper à l’air vicié des villes. Les New-Yorkais rejoignaient les Hamptons, le Rhode Island ou le Massachussetts pour y passer le week-end ou une partie de l’été.
Il ne nous reste que des images de cartes postales de ces longues plages de la Côte Est ou des paysages automnaux des plaines de Virginie. De nos jours, la seule solution est de changer de planète. Il faut savoir évoluer avec son temps !
Je suis né et j’ai grandi à une dizaine de kilomètres de New York, dans le New Jersey. Aujourd’hui, j’ai vingt-cinq ans et je me suis enfin décidé à quitter la Terre. « The city that never sleeps » est devenue depuis quelques semaines, la ville la plus irrespirable du monde. C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic… Partir!
Chaque pays a au moins une porte d’entrée pour l’espace ; je dois donc me rendre en Floride, comme indiqué sur mon billet électronique. J’embarque dans un Hyper Loop, un train filant à toute allure qui ne touche pas les parois du tunnel grâce à un système complexe d’aimants. Le voyage sera donc rapide ; avec quinze minutes de trajet, on en a pour son argent !
J’arrive donc au Kennedy Space Center qui a bien changé depuis l’époque où l’on envoyait des hommes sur la Lune. Désormais, équipé d’un énorme bâtiment en verre et flanqué d’un gigantesque parking, il ressemble plus à un aéroport international qu’à un centre spatial.
Désormais, seuls un contrôle de sécurité et un voyage de neuf mois à bord de la navette semblable aux vieux paquebots que prenaient nos grands-parents pour sillonner la mer des Caraïbes me séparent de cette nouvelle vie… à ceci près que nous ne retournerons jamais sur la Terre.
Cabines individuelles ou familiales, restaurants, salles de détente, tout était prévu pour rendre le voyage le plus agréable possible. Ce périple permet également de lier connaissance avec les futurs citoyens de notre Eldorado.
Nous voilà, les cinq cents passagers et moi à fouler le sol de la planète rouge.
Elle n’avait plus de rouge que son surnom dans l’imaginaire collectif.
En effet, seules deux choses me font dire que je ne suis plus sur Terre : d’une part, le bourdonnement dans mes oreilles, dû au brouhaha quasi constant des moteurs de la navette et d’autre part, le soleil beaucoup plus petit dans le ciel.
Excepté ces deux points, la vie sur Mars n’est pas bien différente de ce qu’elle était sur notre bonne vieille Terre. Grâce à la technologie, une atmosphère en tout point similaire à celle de la planète bleue a pu être recréée. Le ciel y est tout aussi bleu… du moins, je le suppose, car je n’ai connu sur Terre qu’un ciel constamment gris chargé des gaz d’échappement.
Cela fait près de vingt ans que les premiers colons sont arrivés sur Mars, et des villes y ont déjà fleuri aux quatre coins de l’astre. Des villes dignes d’un film de science-fiction, mais exactement comme je les imaginais. Il n’y a pas de bâtiments aux allures de vaisseau spatial ni de taxis volants. J’ai vite apprécié l’architecture des cités martiennes. En fait, c’est très ressemblant à une ville sur Terre, mais en mieux. J’embarque dans un Hyper Loop, comme j’aurais pu le faire autrefois et en quelques minutes, j’arrive au pied d’une gigantesque tour d’habitations qui, à quelques odeurs typiquement terrestres près, est ce que l’on pourrait appeler une HLM. Je prends possession de mon appartement, d’une étonnante ressemblance à mon appartement new-yorkais. Cette similitude est une idée du gouvernement pour que l’acclimatation soit plus aisée en plongeant les nouveaux arrivants dans un milieu proche de ce qu’ils ont connu.
Installé depuis un peu plus de trois mois et après des débuts malgré tout, un peu difficiles, j’ai fini par m’habituer à ma nouvelle vie. Comment vous faire comprendre ce qu’est le quotidien d’un nouveau Martien ? Tout est à la fois plus simple et plus compliqué. Nous ne manquons de rien, mais nous savons que certaines ressources sont limitées, comme l’eau par exemple. Certes, elle est présente sur Mars mais vu qu’ il ne pleut jamais, son stock n’est donc jamais renouvelé. Sans compter qu’ une bonne partie des réserves part dans l’agriculture. Des scientifiques renommés se sont installés avec nous et finalisent un procédé de création de pluie artificielle ; certains pays s’étaient déjà essayés à cette pratique dont le fonctionnement est assez simple. Il suffit d’envoyer un missile dans les nuages, ce qui a pour effet de les secouer un bon coup, et presque comme par magie, la pluie se met à tomber !
Pour limiter au maximum l’empreinte carbone , nous sommes tous soumis à un régime végétarien car élever et entretenir des animaux auraient demandé une telle consommation en eau et en énergie, que notre survie aurait pu être rapidement compromise.
Toutefois, à cause de ce régime végétarien obligatoire, certains d’entre nous ont des carences et bien que les compléments alimentaires fonctionnent à court terme, ils ne sont pas une solution sur le long terme.
Autre difficulté : les tempêtes de sable qui sont très fréquentes et inévitables. Les plus grosses paralysent des villes entières durant plusieurs jours.
A ce stade, nous sommes en droit de nous poser deux questions. Allons-nous trouver une solution à tous ces problèmes ? Mars ne risque-t-elle pas de connaître le même sort que la Terre ?
Finalement, le déplacement de la population sur la planète rouge ne serait qu’une solution provisoire, dans l’espoir de trouver, un jour, une planète encore inconnue qui permettrait à la race humaine de continuer à évoluer…