6 août 2018, je fais mes valises, je repense à la maison de ma grand-mère et je me souviens de cette maison ancestrale où on est coupé du monde. Cette ancienne demeure n’a pas de chauffage central, pas de wifi, pas de moyen de s’occuper à la « moderne ». On est obligé de tout faire soi-même : allumer le feu avec le bois que je dois aller chercher au fond du jardin, ramasser les légumes dans le potager de mamy, arracher les patates ou les spuds comme elle le dit si bien. Quelle joie d’aller cueillir des pommes et des poires sur ses grands arbres ! Ma chère Lina aime tellement faire cela et adore tellement sa maison si ancienne que, pour rien au monde, elle ne voudrait la quitter. Je pense aux bons bains bien chauds que je prends à la maison alors que je ne pourrai pas en faire autant là-bas. Mamy ne veut pas gaspiller trop d’eau et je devrai faire ma toilette dans un lavabo comme si j’étais un enfant de l’ancien temps. Ma grand-mère a toujours des arguments qu’elle défend de pied ferme : on n’a pas besoin de 100 litres d’eau pour se débarbouiller. A la maison, maman me laisse prendre des bains qui durent parfois 30 minutes, comme j’en ai envie. Alors que je revis ces détails, maman m’appelle pour partir chez mamy Lina, à 1h30 de route de mon si beau chez moi. Pendant le trajet, je réalise que, durant 22 jours, je serai coupé du monde moderne qui m’entoure ; suite à toutes ces pensées, je m’assoupis avec l’idée certaine de m’embêter toutes ces vacances. Je suis brusquement réveillé car la voiture de maman rebondit sur la route cabossée.
Soudain, au loin, j’aperçois sa demeure. Je n’ai absolument pas envie de sortir de la voiture et de quitter maman et papa pour me retrouver seul dans une maison au milieu de nulle part. Papa arrête le moteur de la Porsche, mamy Lina arrive, ouvre la portière, et me prend dans ses bras tout en s’exclamant : « Mon si beau Erwan est de retour ». Nous sommes arrivés un peu avant le lunch. Ma chère grand-mère nous a préparé mon plat préféré qui est le bubble and squeak, composé de légumes frits, de rôti, de spud, de chou, le tout assaisonné de ses épices secrètes. Comme dessert, elle a pris du temps pour nous faire une tarte Bakewell avec ses propres abricots qui sont bien sucrés et tellement délicieux. Après avoir diné, il est temps pour papa et maman de reprendre la route en direction de Londres. Ne voulant pas les laisser partir, je fais mon petit caprice pour repartir avec eux. Mamy Lina trouve toujours les mots pour m’apaiser et m’expliquer pourquoi je suis chez elle et ce que nous allons faire durant ces vacances. Après m’être calmé, je défais avec elle mes valises dans la plus belle chambre qu’elle m’a réservée pour ces 22 jours à ses côtés. Il est l’heure de la pause thé que ma grand-mère ne louperait pour rien au monde : c’est son moment préféré de la journée. Elle m’a concocté un thé aux fruits des bois rehaussé de chantilly. Il est maintenant l’heure d’allumer le feu avec des bûches que mamy a soigneusement rangées dans un panier en osier. Elle me montre comment les mettre dans le feu sans se brûler et je trouve sa technique très au point.
Un petit moment plus tard, mamy s’active pour concocter le souper. Ce soir, je mange quelque chose que je n’ai pas l’habitude de goûter à la maison. Ça n’a pas l’air très bon. Dans ma petite tête, tout se bouscule ; la première chose qui me vient à l’esprit est : qu’est-ce que c’est, cette préparation ? Tout étonnée, elle me répond tout simplement : « c’est de la soupe ». Je lui explique que, pour moi, on ne peut pas manger de la soupe avec du fromage, c’est inconcevable. Mamy Lina agacée par toutes mes questions, m’envoie jouer pendant que tout cela mijote. Le souper venu, ma grand-mère m’appelle. Vu qu’il n’y a rien d’autre à table, je n’ai pas le choix de boire ce liquide dans mon bol. Au final, j’en reprends, tellement c’est délicieux. Ma grand-mère, toute contente de me faire découvrir de bonnes et saines choses, me demande ce que papa et maman me font à manger. Tout étonné, je lui réponds que tout simplement, papa et maman ne cuisinent pas, c’est la friteuse qui le fait à leur place. A l’expression de son visage, je m’aperçois que ma réponse ne lui plaît pas. Après avoir fait la vaisselle avec elle, il est temps d’aller mettre mon pyjama. C’est devant le feu que ma chère grand-mère m’attend, dans le divan, avec un livre. Couverts d’un plaid bien doux, nous dégustons un chocolat chaud fait maison. Au bout de quelques pages de lecture, je m’envole avec Peter et Wendy au Pays imaginaire.
Quelques jours plus tard, je me suis habitué à la routine de mamy et je prends goût à cette vie. Conclusion : faire tout moi-même ne me dérange que très peu. Mes appréhensions sur le fait de m’ennuyer n’étaient pas justifiées. Mamy Lina me tient tellement mieux compagnie que certaines nouvelles technologies. J’en viens même à reprendre certaines expressions de ma grand-mère. Après un diner toujours aussi délicieux, nous décidons d’aller marcher un peu. Elle m’emmène voir un lieu magique, à savoir la rivière Cherwell. Des étoiles plein les yeux et au bout de 2h30 de marche, nous rentrons à la maison. Cette promenade me creuse l’estomac et c’est avec joie que j’engloutis une délicieuse salade de fruits. Bien repus, nous changeons d’occupation et nous consacrons aux animaux. Munis de vêtements adéquats, on va voir les vaches, les chèvres, les poules mais surtout les chevaux. Mamy m’a promis que je pourrai en monter un après avoir soigné tout son petit élevage. C’est donc un peu impatient que je m’approche de « Cap’tain Sparrow ». Même si la tentation est grande, j’ai quand même un peu peur. Mamy me rassure en me confiant que c’est sa monture personnelle et qu’elle n’a jamais eu de problèmes. Pendant 1h30, je m’amuse comme un petit fou et c’est avec un pincement au cœur que je dois me séparer de lui. Je crois que j’ai trouvé mon sport, ça sera l’équitation.
Pendant toutes ces vacances, mon style de vie près de mamy n’a fait que s’enrichir. Au dernier réveil, je ne suis pas conscient que c’est le dernier jour au paradis. Avec douceur, c’est elle qui m’apprend que, après le petit-déjeuner, je dois aller faire mes valises pour retourner dans ce monde de technologie. C’est donc à contre cœur que je m’exécute. En bouclant mes bagages, mamy y glisse furtivement 4 livres pour que je puisse penser à elle tout le temps et que je continue à apprendre beaucoup de choses grâce à eux. Je vois bien qu’elle est triste. Je lui fais la promesse, du petit doigt, de m’enrichir jusqu’aux prochaines vacances, quand je reviendrai la voir, elle et Cap’tain Sparrow. Vers 11h, j’aperçois la voiture de maman arriver au loin ; mon cœur se serre. Maman m’arrache de cette vie en 3 minutes, même pas le temps de boire quelque chose. Dans l’auto, je n’arrive pas à répondre à maman, tellement je suis triste. Le paysage de rêve s’éloigne peu à peu et, progressivement, je me rapproche de cette affreuse vie.
Arrivé à la maison, je n’ai même pas le temps d’expliquer mon séjour chez mamy car maman repart tout de suite au travail. Je me retrouve encore seul avec cette nounou que je n’aime pas. Par ennui, je prends les livres de mamy Lina et me plonge dans « Le haras de Canterwood » de Jessica Burkhart. Vers 19h, la grande porte d’entrée me sort de mon récit : mes parents sont enfin de retour. Comme je m’y attendais, même pas une question sur mon séjour : ils sont trop occupés. Au moins, les semaines précédentes, je me sentais aimé et moins seul. L’heure du souper arrive, la transition est trop forte. Je m’attends à un bon bol de soupe mais, au final, je me retrouve devant des frites et du bacon. Déçu de ce plat, je n’ai pas d’appétit et me passe de manger. Il en est de même pour ma toilette, je m’attends à me laver dans le lavabo comme mamy, mais maman m’a fait couler un bain. Voyant tout ce gaspillage d’eau, je ferme le robinet à mi-hauteur de la baignoire. J’ai décidé que je continuerais à me laver comme chez mamy Lina. Cet acte m’interpelle, j’aurai pensé que cela allait faire réfléchir mes parents mais, bien au contraire, ils ne remarquent rien. Ils ont leur téléphone en main. Par habitude, je voudrais aller dans le divan avant le coucher mais, non, je dois faire demi-tour car maman et papa sont occupés avec leurs écrans. C’est donc dans mon lit que je continue le livre que j’ai commencé. Mes parents me lancent un « bonne nuit » de loin et ne s’attardent pas plus. Cette habitude va peut-être revenir ? Je m’endors avec beaucoup de difficultés. Mes rêves sont très bizarres, tout à fait différents de ceux que je faisais chez mamy Lina. Comme d’habitude, maman vient brusquement me réveiller en ouvrant la porte. Comme cloué au lit, je n’ai pas la force pour me lever. Maman, déjà énervée, s’acharne pour que je me « décolle » du lit… Je comprends très vite que je ne suis plus à ma place dans ce monde branché : mon esprit est déconnecté : je suis mort…