Je n’ai aucune notion du temps ni même dans quel endroit je me trouve. Tout ce que je sais, c’est qu’il fait sombre. Je n’ai pas non plus l’usage de mon corps, je suis comme paralysé, couché par terre sur une surface en béton froid et mouillé, pas très confortable en somme. Quelques minutes (ou heures je ne saurais le dire) plus tard, un filet de lumière se forme, je regarde ce qui semble être une porte qui s’ouvre, non, une trappe. On dirait qu’elle mesure environ 3 mètres, elle s’ouvre et laisse paraitre quelqu’un de plutôt grand et d’une large carrure, en costume. Je ne vois pas son visage, mais ça semble être un homme.
Il prend alors la parole :
– Eh ! Si tu es réveillé, cesse de t’apitoyer sur le sol, lève-toi et suis-moi. On a assez de trucs à faire aujourd’hui et j’aimerais conclure ça rapidement.
– Qui êtes-vous ? Où est-ce que je me trouve ?
– Trop de questions pour quelqu’un qui vient à peine de voir la lumière du jour, dit l’homme en soupirant. Lève-toi et suis-moi.
Est-ce qu’il le fait exprès ? Je veux dire, ce gars est censé savoir que je ne peux pas bouger non ?
J’essaie quand même. Après tout, on ne sait jamais malgré mes espoirs inexistants.
Je lève mon bras gauche, cela fonctionne. Je m’appuie sur celui-ci afin de faciliter mon redressement, et cela fonctionne aussi ! Je me retrouve debout en un rien de temps !
– C’est mieux comme ça hein ? Allez, on y va, suis-moi.
L’homme commence à marcher, j’accours aussitôt derrière lui. En passant la trappe, je vois le ciel, le soleil, l’herbe. Je sens également l’air qui m’entoure. Ça fait du bien de respirer un grand coup, cela fait longtemps.
– Ouah ! Qu’est-ce que ça fait du bien de sortir d’ici !
Je regarde une dernière fois derrière moi contemplant l’endroit dans lequel j’étais quelques instants plus tôt. C’était comme une petite niche à vrai dire. C’est étrange, je l’accorde. Je me réveille et je me retrouve où ? Dans une espèce de niche géante qui s’ouvre avec une trappe ?
– Wow, incroyable ! T’as l’air émerveillé de voir ça. Ce n’est rien d’incroyable, tu sais ? M’enfin, bon, chacun son truc, on a du chemin à faire et je n’aime pas arriver en retard donc trêve d’émerveillement et en marche !
On se met en route vers je ne sais où, mais j’aime bien marcher comme ça, sentir l’air se déposer délicatement sur mon visage, le soleil là, mais pas trop, il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. Il ne manquerait plus que de la nourriture, et pas n’importe laquelle non ! Des cookies, meilleur encas mondial et je dirais même, galactique ou universel. Le bonheur absolu.
Mon émerveillement n’est que de courte durée. Après quelques heures de marche, nous arrivons devant un mur gigantesque. On n’y voit rien, on dirait une frontière tracée par un mur dressé planté dans le sol et s’élevant loin dans le ciel, je n’avais jamais vu cela.
L’homme se positionne devant le mur et appuie sur une sorte de bouton qui ouvre un petit carré, une petite caméra en sort et une lumière rouge apparait. Il met alors son œil juste en face, presque contre la caméra et un bruit se fait entendre en même temps que la lumière prend une teinte verte. Il prend mon bras assez brutalement et me place à ses côtés tandis qu’une trappe se dessine lentement dans le sol autour de nous.
– Euh, c’est quoi ça ? demandais-je en totale confusion.
– Tu poses trop de questions. Contente-toi de me suivre et de te taire, tu me casses les oreilles.
Il n’était vraiment pas bavard cet homme. Contrairement à moi, qui suis plutôt un grand extraverti, un papillon social. J’adore rencontrer de nouvelles personnes et apprendre à les connaitre, qu’y a-t-il de mieux honnêtement ? Enfin, j’imagine que ce n’est pas la mer à boire de la boucler pendant un moment.
Le carré s’étant formé complètement, il commence à descendre dans le sol. J’ai une tonne de questions, mais je ne peux rien demander donc je préfère me taire et attendre de voir où ce truc nous emmène.
On s’immobilise et une porte s’ouvre dès l’arrêt du carré. Une vaste pièce s’ouvre devant nous, blanc béton de partout, mur, sol, plafond, et ce qui semble être une zone d’ accueil est là au centre de cet étrange endroit entouré d’une vitre. Comme une boite. Une voix robotique et monotone s’éleve dans la pièce.
– Bonjour et bienvenue à la Sélection. Veuillez vous approcher et vous positionner droit sur le carré lumineux au sol. Ensuite, mettez votre pièce d’identité dans la boite qui se trouve devant vous. Après vérification, nous vous donnerons l’accès de l’arène. Vous avez à partir de maintenant, 30 secondes pour venir jusqu’ici, dans le cas contraire vous serez envoyé dehors et vous serez inscrit sur notre liste noire ainsi que banni dans les zones sécurisées proches. La Sélection vous remercie de votre compréhension et de votre collaboration.
– Démarrage de la minuterie. 30, 29, 28, …
Il se met à courir jusqu’au carré lumineux dont parlait la voix quelques secondes plus tôt.
– Hé ho ! Magne-toi tu veux être banni, abruti ?!
– Ah… J’arrive !
Je reste planté là ne sachant pas quoi faire en le voyant courir. Je n’ai pas vraiment écouté ce que disait cette sorte de programme robotique. Je me suis arrêté d’écouter quand j’ai entendu « la Sélection ». Je ne sais pas pourquoi, mais j’y ai directement porté attention, cessant d’écouter ce qui était entrain d’être dit. Ce mot m’intriguait fortement, je suis certain de l’avoir déjà entendu quelque part, mais où ? Je ne m’attarde pas plus longtemps sur la chose et je vais jusqu’au carré lumineux juste à temps.
– Imbécile ! Tu veux mourir ?! me dit l’homme légèrement énervé.
– Désolé haha… Je suis assez gêné, était-ce si grave si je n’y étais pas arrivé après le minuteur ?
Je peux vous dire qu’à l’heure actuelle, je me sens tellement bête de m’être posé cette question, ce n’est pas que c’est grave, non, c’est bien plus que ça. Je vous épargne la suite pour la simple et bonne raison qu’elle est inutile pour mon récit. Je vais plutôt vous parler de l’endroit où je suis donc depuis ce jour-là.
Cette Sélection, ce mot qui m’intrigue beaucoup, eh bien pour résumer ,c’est une organisation horrible, cruelle. Imaginez, dans l’endroit où vous vivez (je dirais même, survivez) il y a plusieurs classes ; les très pauvres, les « normaux » et les riches. Je sais ce que vous pensez, cela existe partout, ce n’est rien d’extraordinaire, et si je vous disais que ces étiquettes ne correspondaient pas aux moyens économiques, à l’argent de la population, mais que c’étaient plutôt leurs chances de survie ? Au début, nous sommes qualifiés comme normaux, nous avons un lit, une commode pour ranger nos (rares) affaires, une lampe de chevet, et un écran affichant nos tâches à réaliser pour le jour. Tous les soirs, cette liste se met à jour à 20h00. Il vaut mieux avoir tout réalisé. Au départ, ce sont des trucs comme « acheter du pain », « aller complimenter votre voisin de gauche », « boire 1L d’eau avant 15h00 ». Facile, n’est-ce pas ? On est logé, nourri, et tout cela en échange de petits services ! « Mais comment peuvent-ils savoir si vous les avez vraiment faits et que vous ne mentez pas ? » Je sais que vous vous posez cette question, eh bien, ce fameux tableau de tâches comporte une caméra je ne sais où, nous sommes tous surveillés. Logés, nourris, mais surveillés. Retournons-en au fait de petites taches faciles, ils les donnent assez longtemps pour que nous puissions penser que ça restera comme cela tout le temps… Non. Il ne faut pas rêver, se réveiller paralysé sur le sol dans une niche géante et atterri là, je ne sais comment, et puis avoir la vie si facile ? Quelle blague. Après donc quelque temps, j’ai des tâches plus importantes, mais la plus lourde portée est la suivante : « Tuez votre voisin d’en face entre 17h55 et 18h00 avec l’objet que nous vous avons apporté devant votre porte. » Vous avez bien lu, tuer. Après lecture, je vais ouvrir la porte et un paquet est posé juste devant, que je prends. Il est assez lourd et grande est ma fureur quand je découvre ce qui s’y trouve. C’est une masse. Je me demande si cela n’est pas une faille du système donc je sors et demande à une sorte de garde qui, me sourit se retourne et rigole en direction d’un autre garde trainant un corps ensanglanté « Il m’a demandé si c’était une blague ! » L’autre se met aussi à rire. Le premier arrive à mes côtés toujours trainant le corps, me regarde sombrement et me dit « Tout ce qui se passe ici n’est pas une blague, crois-moi ». Il dit ça en baissant les yeux sur le corps et reprend son chemin avec son collègue.
C’est là que je dois prendre la décision essentielle de ma vie : Jusqu’où vais – je accepter de perdre mon humanité pour sauver une vie qui n’en est plus une ? Tuer ou mourir ? On devrait tous réfléchir à cette question pour le jour éventuel où on doit y répondre…