Une nuit de 2058, Tiako fut réveillé par le bruit de nombreux hélicoptères qui parcouraient la ville de Mulhouse, où se trouvait la maison qu’il partageait avec ses parents, Maria et Barthélémy.
Le bruit se rapprochait et était de plus en plus insupportable. Impossible de se rendormir.
Dehors, la ville était en feu. Un incendie d’une rare violence avait ravagé une grande partie de la ville de Mulhouse pendant la nuit.
Au bout de trente minutes, les hélicoptères avaient arrêté d’arroser les maisons d’eau car c’était trop dangereux.
Les autorités venaient d’annoncer que tous les habitants allaient être évacués dans un centre sûr près de Strasbourg.
Chaque personne avait reçu un badge de couleur qui correspondait au bus dans lequel elle devait monter afin d’être enregistrée comme présente.
Tiako et sa famille avaient tous les trois reçu une couleur différente. Tiako un badge bleu, sa mère un rouge et son père un vert.
Après un peu plus d’une heure de route, les trois bus arrivèrent au centre, loin de l’incendie. Le centre était très sombre, limite effrayant. Tous les murs étaient gris et toutes les fenêtres étaient fermées à l’aide de barreaux.
Les autorités avaient distribué un chiffre à tout le monde qui correspondait au numéro de chambre de chacun. Elles avaient, bien sûr, fait en sorte que chaque famille soit réunie.
Tiako avait reçu le numéro 230. Sa chambre se trouvait au 2ème étage, au milieu du couloir à gauche. Elle était très grande; il pourrait vivre là avec sa famille sans problème. Son lit se trouvait sous la fenêtre, ce qui l’arrangeait car il avait de plus en plus de mal à supporter les 55°C causés par le réchauffement climatique.
Dans trente minutes, l’heure du souper allait sonner. Tiako profita de ces quelques instants pour aller faire un tour dans la cour extérieure. Cette dernière était grande comme deux terrains de football mais il n’y avait pas d’herbe, ni d’arbre. C’était un peu comme une cour de récréation mais avec des murs qui l’entouraient.
Tiako s’assit sur un banc et se mit à repenser à tout ce qu’il s’était passé depuis ce matin.
La cloche sonna. C’était l’heure du souper.
Tiako alla à la cafétaria et s’assit à la table qui était attribuée à sa famille. D’ailleurs, depuis qu’il était arrivé ici, il ne l’avait pas encore revue; il avait hâte.
Après dix minutes d’attente, Tiako était toujours seul à sa table. Il commença à s’inquiéter car ses parents étaient toujours ponctuels.
Il décida donc d’aller se renseigner auprès des autorités afin de les retrouver.
– Bonsoir monsieur, sauriez-vous me dire où se trouvent mes parents, s’il vous plaît ?
– Bonsoir, oui bien sûr. Quels sont leurs noms ?
– Maria et Barthélémy.
– Barthélémy nous l’avons vu monter dans sa chambre mais aucune Maria n’est arrivée au centre aujourd’hui.
– Comment ça aucune Maria n’est arrivée au centre ? Ma mère était avec moi avant que je ne monte dans le bus. Elle avait un badge rouge.
– Ah d’accord je comprends mieux, répondit le policier. Dix passagers du bus rouge n’ont pas souhaité monter dans le bus car ils refusaient de rester les bras croisés pendant que l’incendie ravageait tout sur son passage.
Nous avons essayé d’utiliser la force car c’était trop dangereux de rester mais ils ont réussi à s’enfuir. On ne pouvait rien faire de plus.
– Vous êtes en train de me dire que ma mère est restée au coeur de l’incendie ?
– Oui, il y a de fortes chances mon garçon. Mais ne t’inquiète pas, elle a certainement pu se réfugier dans un endroit sûr.
Après avoir appris cette nouvelle, Tiako alla voir si son père était encore dans sa chambre pour lui en parler. En rentrant dans la chambre, il trouva son père assit sur son lit avec une expression de choc sur le visage. Tiako lui demanda ce qu’il se passait mais il ne reçut pas de réponse, juste un signe de la main montrant la télévision. C’était le journal télévisé qui parlait de l’incendie. Tiako se mit à écouter ce que le journaliste disait :
« Bonsoir à toutes et à tous et bienvenue dans le JT de 20h. Aujourd’hui, nous allons vous parler de l’incendie causé par le réchauffement climatique à Mulhouse. Les habitants de la ville ont été évacués et amenés dans un centre près de Strasbourg. Dix d’entre eux ont refusé de monter dans les bus et ont pris la fuite. Malheureusement, six d’entre eux ont été retrouvés morts brûlés. Parmi eux, quatre hommes et deux femmes. Nous ne connaissons pas encore leur identité mais nous vous tiendront au courant dans les heures qui suivent… »
Parmi ces deux femmes se trouvait peut-être sa mère. Tiako prit la main de son père et lui dit qu’il devait retourner à Mulhouse voir si sa mère était en vie.
Le lendemain matin, sans que personne ne le remarque, Tiako quitta le centre et prit le premier bus en direction de Mulhouse.
Après une heure de route, il arriva enfin à Mulhouse. L’incendie s’était arrêté mais il ne restait presque rien de la ville. Toutes les maisons avaient été détruites.
Tiako se mit à chercher quelqu’un qui pourrait l’aider à retrouver sa mère et, au loin, il vit un policier près d’une cabane abandonnée et décida de l’approcher :
– Bonjour monsieur, hier je suis arrivé au centre et j’ai appris que ma mère n’y était jamais arrivée car elle avait refusé de monter dans le bus. En voyant le journal au soir, j’ai décidé de revenir ici pour essayer de la retrouver. Pourriez-vous m’aider s’il vous plaît ?
– Bonjour mon garçon, oui bien sûr. Que puis-je faire ?
– Je ne sais pas si c’est possible mais voir les corps des victimes me permettrait de savoir si je pourrai revoir ma mère en vie ou non.
– Je comprends. Suis-moi mais je te préviens, ce n’est pas très beau à voir.
Les deux compères se dirigèrent vers la cabane où se trouvaient les corps. La peur s’installait de plus en plus sur le visage de Tiako.
Une fois face aux corps, Tiako appréhendait vraiment ce qu’il allait découvrir.
Le policier souleva le premier drap, Tiako regarda le corps. Ce n’était pas sa mère. Il restait toutefois le deuxième corps et ce qu’il vit sous ce drap le laissa bouche bée. C’était elle, Maria, sa mère.
Tiako ne pouvait pas y croire, pourquoi cela lui arrivait-il à lui ?
Il commença à sentir de la sueur couler sur son visage et à entendre une voix l’appeler. Il ferma les yeux et, quand il les ouvrit à nouveau, il se trouvait dans sa chambre, sa mère était en panique face à lui.
– Tiako mon chéri, ça va ?
– Que s’est-il passé ? dit-il ensommeillé.
– Tu poussais des cris dans ton sommeil, je suis venue voir ce que tu avais.
– J’ai rêvé que tu mourrais maman, c’était horrible.
– Ce n’était qu’un cauchemar, ne t’inquiète pas chéri. Rendors-toi.
Sur ces mots, Tiako s’apaisa et se mit à réfléchir. Il ne pouvait pas s’imaginer le monde tel qu’il l’avait vu dans son rêve et il sentit qu’il devait à tout prix réagir pour que cela n’arrive pas.