Chaque jour, des milliers de bateaux partent avec des cargaisons remplies de produits neufs. Chaque jour, des hommes dans des pays tels que la Chine, le Bangladesh… sont exploités et doivent travailler plus de 60h par semaine. Chaque jour, des enfants meurent de faim pour nous fabriquer le dernier smartphone. Chaque jour, la pollution croît dans le monde. Ce jour, la Terre a-t-elle encore un avenir ?
Je suis issue d’une famille chinoise près de Jilin pour être précise. J’ai plusieurs frères et une magnifique famille. Je suis vraiment heureuse mais alors, qu’est ce qui aurait pu se passer pour que tout finisse si mal ? Un jour, toute ma vie fut chamboulée. Je dus tout quitter et bien sûr, personne ne m’a demandé mon avis. Je ne voulais pas quitter ce pays, cet endroit si cher pour moi ! Je l’aimais énormément. Je voulais rester mais j’étais trop petite, trop faible… J’essayais de crier, d’appeler à l’aide mais personne ne faisait attention à moi, personne ne m’entendait.
Un matin d’automne, on me réveilla très tôt, il devait être quatre, ou cinq heures du matin je crois… Je partis avec mes frères qui subissaient le même sort que moi. Je crois qu’ils pensaient de même, mais eux non plus ne savaient pas réagir face à ce capharnaüm. Je ne dus même pas me préparer et on me prit comme une princesse pour m’emmener dans un camion. J’étais encore extrêmement fatiguée donc je décidai de dormir pendant le trajet mais nous étions tous serrés comme des sardines. Je fermai les yeux, espérant tomber dans les bras de Morphée mais rien n’y fit. Je dois l’avouer, j’avais peur, je ne savais même pas où on m’emmenait, si ma famille allait s’inquiéter… Je refoulais mes larmes avant que l’une ne coule sur ma joue.
Ça ne faisait que quelques temps que nous étions partis et pourtant ma famille me manquait déjà. Je tournai alors la tête afin de trouver un soupçon de lumière dans cette nuit noire pour me rassurer, mais rien. « Le camion fait énormément de bruit… » me dis-je en haussant un sourcil, on entendait tout ce qu’il se passait à l’extérieur, le bruit des roues sur le pavé, quand le conducteur donnait un coup d’accélérateur… Je me collais aux parois du véhicule, encore plus froides que moi, essayant tant bien que mal d’oublier ce chahut. Après quelques heures, je réussis enfin à m’assoupir.
Je me réveillai en sursaut avec un bruit infernal de klaxon, et trois secondes après, je fus projetée de l’autre côté du camion et m’écrasai contre le mur. Ma tête me faisait mal mais quand je vis enfin le coffre s’ouvrir, ma douleur s’estompa et je souris.
Des hommes dont les visages m’étaient inconnus m’emmenèrent hors du camion. Je tournai la tête et là, ce fut l’endroit le plus beau que j’avais vu de toute ma vie. Nous étions dans un port, le soleil, dont l’image se reflétait sur l’eau nous donnait l’impression d’être spectateur d’un tableau vivant. Je restais là, à admirer ce paysage féerique, des étoiles plein les yeux. Les mêmes hommes m’emmenèrent de l’autre côté du port. Mon visage se rembrunit. Des centaines de bacs, des cargaisons étaient amassés sur toute la plateforme du port. Des centaines d’homme marchaient partout en transportant des caisses en bois. Ils hurlaient tous et j’étais incapable de comprendre quoi que ce soit. Des grues bougeaient dans tous les sens cachant la lumière du soleil. Mais où était le paradis que je voyais auparavant ?
C’est à ce moment-là que les hommes décidèrent de me faire monter sur un ponton de bois dur et froid afin que je puisse embarquer sur un bateau qui ressemblait étrangement à celui du Titanic. Je traversai plusieurs couloirs jusqu’au moment où on me déposa dans une grande pièce sombre.
« NOOON !! Ne me laissez pas ici ! S’il vous plait ! ». Mais, comme auparavant, personne ne me répondit…
Je me recroquevillai en laissant cette fois mes larmes couler le long de mes joues. Il faisait froid et je grelottais. Quelques minutes après, j’entendis l’avertisseur sonore du bateau et je sentis que l’on commençait à avancer. Pleins de pensées parasitaient mon esprit « Mais où est-ce que je vais ? Ma famille est-elle au courant ? Où sont mes frères qui sont partis avec moi ?» Toutes ces questions qui trottaient dans ma tête m’avaient épuisée, alors je m’endormis, bercée par les vibrations du moteur.
Le voyage fut long et pénible, tantôt il faisait frais, tantôt l’air était irrespirable. Ne sachant toujours pas où nous nous dirigions, je restais là, sagement, en attendant qu’on vienne me chercher. Je pouvais toujours essayer de deviner où nous étions grâce à un petit hublot sur une des parois de la pièce mais, à part un panache de fumée aussi noir que la suie qui provenait des cheminées du bateau, je ne voyais rien. J’avais hâte d’arriver à destination. Quelle qu’elle soit.
Je ne sais pas combien de temps a duré le trajet mais je sais, en tout cas, que lorsque je n’ai plus entendu le vrombissement du paquebot, c’était la fin. Je me suis sentie tellement soulagée au moment où des hommes sont venus me chercher. D’après ce que j’ai compris de leur conversation, je vais me faire adopter. Mais pourquoi avoir une nouvelle famille si j’en ai une qui m’attend en Chine ? Elle ne voulait plus de moi ? Je ne comprends pas…
Arrivée dehors, j’ai encore voyagé en camion. Quand est-ce que ça va se finir !? Je suis épuisée ! Et c’est seulement après encore quelques heures de route que j’arrivai enfin dans un grand bâtiment. On me fit entrer à l’intérieur et je remarquai que nous étions énormément à attendre notre tour. Nous étions tous là, les yeux rivés sur les personnes qui passaient dans l’allée. Après plusieurs jours, une femme me vit et eut l’air enchantée de m’avoir trouvée ! Toute cette longue aventure aura donc servi à quelque chose… A me rendre heureuse ? Cette dame régla quelques affaires et m’emmena avec elle. Elle devait avoir dans la trentaine, des cheveux bruns et des yeux de la même couleur. On s’installa dans sa voiture et elle me mit à l’arrière.
On roula plus au moins dix minutes. Après quelques minutes à observer les alentours, elle s’arrêta devant une belle maison à la façade blanche. « Alors c’est là que je vais habiter !? waouh !» J’essayais de rester positive mais, malgré tout, je regrettais ma vie d’avant. Tellement de questions se bousculaient dans ma tête et même avec toute la volonté du monde, je n’arrivais pas à y répondre. Tout était inconnu pour moi ici. Je ne reconnaissais rien, ce qui ne faisait qu’alimenter ma peur. Alors, je décidai de rester forte et de voir ce qui pourrait se passer par la suite. Je croyais sincèrement que ça ne pouvait pas être pire.
On rentra à l’intérieur et elle appela une jeune fille au nom de Eva. Elle était très jolie et elle ressemblait à un petit rayon de soleil. Elle devait avoir onze ou douze ans peut-être, enfin, dans ces eaux-là quoi. À voir sa petite bouille d’ange, elle était enchantée de me voir. Cela me fit chaud au cœur.
Ce fut le un des plus beaux jours de ma vie. Je m’entendais très bien avec elle. J’allais dans la même école qu’elle, je l’aidais à faire ses devoirs, surtout à écrire ses magnifiques poèmes dignes de Lao Tseu. J’étais heureuse et je n’aurais changé cela pour rien au monde.
Malheureusement, le bonheur ne dure pas toujours. Quelques semaines plus tard, Eva devenait de moins en moins contente. Elle restait de moins en moins avec moi. Avais-je fait quelque chose qui aurait pu faire qu’elle m’aimait moins qu’avant Je ne voulais pas m’éloigner d’elle, je l’aimais tellement. Je commençais seulement à m’habituer à ce nouveau mode de vie et songeais de moins en moins au reste de ma famille restée en Chine. Je perdais peu à peu l’espoir d’une réconciliation prochaine avec elle.
Un jour, elle ne m’attendit pas pour partir à l’école. Ce fut le coup de poignard dans le dos. « Je ne veux pas que tu m’abandonnes… S’il-te-plaît… »
Quand elle rentra, je fus tellement heureuse de la revoir mais elle fit ses devoirs, sans se soucier de moi. Quand elle m’aperçut, elle haussa les épaules et me prit pour ensuite me jeter à la poubelle pour attraper un autre de mes frères… Après tout, pour elle, je n’étais qu’un vulgaire stylo.
Ce stylo a parcouru la moitié de la planète pour trouver quelqu’un qui l’apprécierait pour sa propre valeur et tout ce qu’il a reçu en retour, c’est de terminer à la poubelle parce qu’il n’écrit pas assez bien, parce qu’il n’est pas assez beau, parce qu’on s’en lasse… Voilà le résultat d’une société de surconsommation ! Et c’est encore la Terre qui subit tous ces déplacements, la pollution, le réchauffement climatique à cause de l’égoïsme des hommes… Des milliers de déchets parcourent les océans, les degrés ne cessent de monter… Et malheureusement, ça fait déjà des années que ça dure. Cette histoire ne montre qu’une facette de tous ces problèmes, mais il y en a tellement d’autres… Je crois que maintenant, c’est le bon moment de changer si l’on veut connaître un futur plus beau.