Comme tous les matins à huit heures, je me lève en pensant mener un train de vie ordinaire, alors que cela fait aujourd’hui deux ans que ce même train de vie a été bouleversé. À première vue, je suis une jeune adulte tout à fait normale, d’ailleurs tout le monde me voit comme Miya Morel, vingt et un ans et sans arrêt souriante. Mais, chez moi, un simple sourire renferme énormément de noirceur, il fait juste office de camouflage, pour que personne ne s’inquiète.
Nous sommes aujourd’hui le quatre février, jour important, non pas de la plus belle des manières mais bien de la pire qui puisse exister. Chaque jour est un combat de grande envergure contre moi-même, depuis le jour où j’ai perdu ma moitié, celui qui représentait tout à mes yeux, celui avec qui je me voyais faire ma vie entière. Seulement le destin en a décidé autrement, à l’encontre de ma volonté, mais pourquoi est-ce donc à moi qu’il s’en est pris ?
Que le temps passe vite quand je pense à lui, mais d’autre part les journées me paraissent interminables sans lui. L’heure passe et l’horloge indique bientôt neuf heures. Je me dépêche donc d’aller dans la salle de bain pour, comme chaque matin, me doucher après m’être brossé les dents. Seulement, aujourd’hui, j’avais du mal à poursuivre la routine, était-ce ce jour particulier qui mettait mes émotions dans un tel état ou bien m’étais-je simplement levée du mauvais pied, bien que cela m’étonnerait ?
Je contemple mon visage à travers le miroir et soudain la nostalgie me prend en otage : je me revois aux côtés de Simon, mon bien-aimé, dans ses bras. J’avais pris l’habitude de me lever chaque matin à huit heures, de bondir sur mes deux jambes pour me doucher et passer lui rendre visite avant d’aller en cours, lesquels commençaient à dix heures trente chaque jour, excepté le vendredi, jour de repos. En ce même jour de repos, je passais mes journées avec Simon, c’était ma manière à moi de me sentir bien, en sa compagnie.
Seulement voilà, cet après-midi du quatre février, alors que j’étais en cours, je ne pouvais m’empêcher de penser à lui, et à l’immense câlin que je lui ferais à mon retour des cours, en lui rendant visite. L’euphorie était à son comble sur le chemin du retour, vous pouvez imaginer : une fille pleine de joie, sortant de l’université, sourire aux lèvres. Ce jour-là, je pris la peine de passer par le magasin, pour acheter des friandises afin de pouvoir les dévorer avec mon chéri en discutant ou en regardant un film comme à notre habitude. Mais alors que je m’apprêtais à rentrer dans sa chambre, on me fit l’annonce qui est aujourd’hui responsable de mon mal-être.
C’est sa mère Julie qui m’annonça, avec le regard vide et rempli de larmes, le décès de Simon, celui que j’aimais plus que tout au monde. Quand je l’ai appris, le temps s’est arrêté autour de moi, et le sachet de friandises ainsi que le sac que je tenais en main s’écroulèrent sur le sol. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que, à mon tour je m’effondre.
Comment le destin pouvait-il justifier cela ? Il avait seulement dix-neuf ans. Il avait encore une vie entière devant lui, une vie qu’on aurait partagée tous les deux, main dans la main. On avait des promesses concernant notre futur, comme les futurs prénoms de nos enfants. On avait convenu de choisir Arthur pour un garçon, et Lucie pour une fille. Nous avions même décidé de la ville où nous voulions habiter, nous avions choisi Nice pour ses belles côtes et ses plages turquoises. Mais comme une vague déferlante sur un dessin imprimé dans le sable, tout avenir est maintenant effacé à tout jamais.
Mes parents ont bien eu du mal à me réconforter de cette immense perte. À vrai dire, ils n’y sont jamais parvenus, mais je m’efforce de paraitre heureuse devant eux, pour ne pas qu’ils se soucient vis-à-vis de moi et que eux puissent continuer leur routine apaisante. Mon père, Fabrice, est marin. J’ai la chance d’avoir un père comme lui car depuis petite il me fascine avec son métier, il m’a appris comment serrer des nœuds et comment se déroulait la vie sur un bateau. De l’autre côté, Claire, ma mère, était infirmière. Son métier à elle était passionnant car elle soignait des gens, s’occupait des malades, mais c’est un métier qui demande beaucoup de responsabilités. J’avais appris moi aussi à être infirmière au fil du temps, pour m’occuper de mes proches si nécessaire.
Je regarde de nouveau le cadran de l’horloge, il indique neuf heures trente. Je me dis qu’aujourd’hui est le jour adéquat pour me venger et prendre ma revanche sur celle qui a ôté la vie à Simon deux ans auparavant. Je me dépêche donc de m’habiller avec ma meilleure tenue, comme à mon habitude lorsque j’allais rendre visite à mon bien-aimé. J’enfile donc ma meilleure tenue et descends au salon. Mes parents ne sont pas là, tous deux travaillent. Je suis impatiente et à la fois sceptique, cela fait maintenant deux ans que je prépare ce plan.
Je profite de l’absence de mes parents pour aller dans la cabane à outils de mon père, qui est dans mon jardin. J’ouvre la porte et derrière celle-ci se cache une multitude d’outils pouvant servir à de nombreuses choses en termes de bricolage. Je lui emprunte donc deux-trois affaires qui me serviront à accomplir ma vengeance. Je referme la porte derrière moi et remonte dans ma chambre.
Je passe donc aux derniers préparatifs, c’est maintenant la porte de ma chambre que je ferme. Dans la cabane à outils, cinq minutes plus tôt, j’ai emprunté une corde. Et c’est à ce moment précis que je me devais de remercier mon père pour toutes ces années où il m’a appris à serrer des nœuds solides.
Aussi je profitais du moment pour donner une leçon à la vie, elle qui s’est permise d’enlever celle de mon chéri, décédé injustement d’un cancer dans sa chambre d’hôpital alors que je me trouvais en cours. Alors je dis à la vie que peu importe ses choix, jamais elle ne me séparera de celui que j’aime tant.
Sur ces mots, Miya fit basculer le tabouret et suspendue en l’air, corde au cou et sourire aux lèvres, elle était partie pour rejoindre son amour de toujours, Simon, dans l’au-delà, pour une vie éternelle.