H+3
Tu étais dans un état de tristesse indescriptible. Je me suis approché de toi, mais tu ne m’as pas vu, tu ne me voyais plus, maintenant. J’étais là, impuissant. Ton cœur te faisait mal tellement tu souffrais. Et moi, je te regardais. L’envie de te prendre dans mes bras, de te dire que tout ceci n’était pas réel, était insoutenable. Mais je ne pouvais pas.
J-1
Demain, nous nous marions enfin. Après tant de mois de stress et de planification méticuleuse, nous allons avoir droit à notre bonheur. Là, je t’observe comme toujours en train de crier sur la femme chargée de réajuster ta robe qui, apparemment, n’est pas très douée dans son job. Cela m’amuse de te voir stresser et courir dans tous les sens. Enfin, ce n’est pas comme si cela ne faisait pas partie de mon quotidien… Mais malgré ta fâcheuse habitude d’être un poil sur les nerfs au moindre conflit, je t’aime comme je n’ai jamais aimé personne. Et demain, tu seras à moi, jusqu’à ce que la mort nous sépare… Je suis interrompu dans mes pensées par un claquage de porte. Tu dois avoir traumatisé cette femme vu sa réaction. J’arrive à te sortir de ta crise en te prenant dans mes bras. Quelques secondes après, nous nous regardons tendrement et tu prends soudainement la parole. Tu me dis que tu aimerais que j’aille te chercher ta pâtisserie préférée à la boulangerie du village. Sur ces mots, j’essaye de répondre à ta requête du mieux que je peux et me dirige vers la porte d’entrée menant à la magnifique voiture que je t’ai offerte le premier mois de notre relation… Certains diront que ce geste avait pour unique but de t’acheter, je ne dirai pas le contraire mais regarde où nous en sommes aujourd’hui.
Tu devais sûrement te demander pourquoi je ne revenais pas après quelques heures, tu doutais de moi, Roxanne, et je n’aimais pas ça. Tu osais penser que je m’étais enfui et je t’en voulais d’avoir si peu confiance en moi… Je te voyais en train de faire les cent pas dans le salon et j’essayais de me faire remarquer, mais en vain… C’était impossible que je ne te parle plus jamais, c’était impossible que tu ne me voies plus. J’avais toujours été trop bon envers les animaux, et ils avaient fini par causer ma perte… Lorsque j’ai pris cette maudite voiture, aurais-tu pensé, toi, que je ne reviendrais pas ? Aurais-tu deviné que ma vie allait flancher à cause d’une pâtisserie que j’allais te chercher l’amour plein la tête ? Non, nous ignorions tout. Mais je le sais maintenant. Les urgentistes ne m’ont pas encore retrouvé sous cette tonne de ferraille qu’est devenue ta belle voiture, mais je suis parti et nous ne pouvons plus rien y faire. Il est trop tard. A présent, je ne suis plus qu’un de ces nombreux accidentés de la route dont on oubliera vite le nom. Je n’ose pas imaginer ce que sera le jour de notre mariage sans le marié. Ni quand tu apprendras à ton tour que je ne reviendrai pas. Tu te diras sûrement que tu aurais préféré que je sois parti loin car je n’étais pas prêt à me marier… Mais je ne suis plus là et tu ne t’en remettras pas, je le sais. Tu étais l’amour de ma vie et j’étais sans aucun doute le tien. Nous n’attendrons qu’un jour pendant toute notre vie à présent, celui où tu me rejoindras. Nous finirons ce que nous avions commencé et tu seras à moi pour l’éternité.
H-3
Je te voyais, dos à moi, dans ta superbe robe blanche que, soit dit en passant, je n’étais pas censé voir avant cet après-midi. Tu pleurais toutes les larmes de ton corps tandis que ta sœur que tu avais choisie comme témoin essayait de te consoler en vain. Elle te disait que j’allais revenir, qu’elle avait elle-même vécu cela, quelques années auparavant et que son mari était finalement revenu. Tu y croyais, à toutes ces histoires, et ça ne me plaisait pas que tu t’attendes à un événement qui n’allait pas se produire. Je savais que tu allais souffrir, j’étais l’homme de ta vie, Roxane, et tu le savais aussi.
De son côté, Jules, mon meilleur ami et témoin, devait être en train de m’appeler à maintes reprises afin de savoir si oui ou non, j’allais gâcher ce mariage. S’il avait su qu’à ce moment précis, mon corps était en cours d’identification et que je l’avais quitté depuis longtemps…
En me rendant dans l’église où nous étions censés nous marier dans quelques heures, j’ai réalisé à quel point ce mariage m’aurait plu, à quel point il aurait embelli ma vie. Mais c’était trop tard, tu allais être confrontée seule à ce monde désastreux et cruel.
H-H
La musique retentit et les invités avaient tous l’air inquiet de ne pas traverser ce couloir rempli d’émotions… En réalité, j’avançais dans l’allée en me disant que peut-être, par miracle, j’allais réapparaître aux yeux des gens et que toute cette histoire ne serait qu’un mauvais rêve. Mais les gens restèrent prostrés lorsqu’au lieu de me voir, il virent une voiture de police arriver devant eux. Tout à coup en la voyant, tu compris… Les éléments revinrent en s’enchaînant dans ta tête et tu restas plantée derrière les invités agglutinés autour de la voiture. Lorsque tu vis les regards se tourner vers toi et mes parents fondre en larmes, tu vis tout à coup un voile blanc descendre sur tes yeux puis, plus rien. Tu te réveillas quelques heures plus tard, c’était bien réel.
J+30
Tu vivais, c’était tout. Plus rien n’avait d’intérêt à tes yeux comme aux miens. Je n’allais pas tenir sans toi, et je voyais que c’était réciproque. Tu allais avoir une vie pleine de déprime et de solitude et tu ne pouvais rien y faire. Mais j’étais là, et je te soutiendrais jusqu’à ce que tu me rejoignes, même si tu ne me voyais plus.
J+197
Ce qu’il se passait ne me plaisait pas, Roxane. Je te voyais heureuse à côté de cet homme qui te faisait du charme depuis un moment maintenant… Je venais d’assister à mon pire cauchemar et toi… Toi, tu riais, couchée à côté de ce type que tu connaissais à peine. Je ne te reconnaissais plus, Roxane, tu n’étais plus la veuve endeuillée qui ne pensait qu’à moi. Tu étais une femme qui m’avait oublié à cause de cette ordure qui profitait de toi… Je me devais de te protéger, Roxane.
S’il y a bien une chose que j’ai retenue lorsque je suis arrivé ici il y a 197 jours, c’est que les gens comme moi avaient le pouvoir d’amener une seule et unique personne avec nous en la poussant à se donner la mort, je l’avais retenu, Roxane, et j’allais pouvoir te sauver grâce à cela… Je faisais tout cela rien que pour toi… Tu me remercierais plus tard.
J’ai tout d’abord pensé à faire partir celui qui te gâchait la vie et ne te laissait pas penser à moi en paix, puis, je me suis dit qu’il y avait plus d’un opportuniste prêt à profiter de toi à n’importe quel instant. Et c’est ça, Roxane, qui m’a amené à penser à toi. Nous allions nous revoir ! J’étais si heureux, je t’offrais la chance de ta vie…
J+198
Tu étais là, devant moi. Nous nous retrouvions enfin. une vague d’émotions m’envahit lorsque je vis ton visage s’approcher du mien, je te pris dans mes bras pendant de nombreuses secondes lorsque, tout à coup, tu me repoussas…
“Qui êtes-vous ?” me dis-tu, et c’est à ce moment précis que je ressentis ce qu’était la vraie mort, celle de l’intérieur.