6h30 : la sonnerie de mon réveil retentit ! Une journée de galère de plus qui commence. A peine hors du lit, je me dirige vers la salle de bain. En passant dans le couloir, je vois par la fenêtre le temps maussade et froid : la journée s’annonce bien ! Je n’ai qu’une seule question en tête : aurais-je le temps de me préparer ?
7h30 : je n’ai pas encore fini de me coiffer et, comme si ce n’était pas suffisant, maman entre dans la pièce. Elle passe le plus clair de son temps à vérifier ce que je fais. La semaine dernière, j’ai voulu mettre un peu de mascara. Elle m’a fait un de ces sermons, à croire qu’elle n’allait pas s’en remettre. Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas le droit de me maquiller. J’ai quand même 17 ans !
8h : je descends enfin. Il me reste exactement trente minutes pour manger et arriver à l’école. Je saute le déjeuner, ça ne plaît pas à maman. J’entends crier dans toute la maison : « Camille, tu dois manger. Après, tu vas encore te goinfrer de friandises ». Je fais comme si je ne l’entendais pas. Je mets mes écouteurs et je m’en vais pour l’école. Elle se trouve à environ 10 minutes de chez moi à pied. J’aime bien marcher le matin, ça me réveille. Une fois de plus, je subis des regards insistants et des messes basses dès que je passe à côté de quelqu’un … Qu’est-ce que je déteste ça ! Tous ces gens qui se croient supérieurs et qui jugent dès le premier regard. Je me suis toujours posé cette question : quel est mon problème ? La façon de me vêtir ? De parler ? Pourtant, la plupart des jeunes de mon âge s’habillent exactement comme moi. Après quelques minutes de marche, j’arrive enfin à l’école. Je retrouve mes amies Stéphanie, Lucie et Emma. On se connaît depuis toujours. D’ailleurs on nous appelle les quatre mousquetaires. Oui je sais, normalement, il n’y en a que trois mais comme on dit toujours, plus on est de fous, plus on rit.
8h30 : les cours débutent. Le lundi matin, on commence par deux heures de français, ça ne me réjouit pas trop mais je sais qu’aujourd’hui, on va parler de notre voyage au ski et ça, ça m’intéresse ! Et oui, pendant les vacances de Noël, les élèves ont décidé de partir en classe de neige. Il y a de quoi s’enthousiasmer. J’ai entendu dire que là-bas il y avait même des piscines chauffées et des jacuzzis. Je ne suis pas très à l’aise avec cette idée. M’imaginer en maillot me donne des frissons et, pire encore, l’état de mes cheveux après un plongeon dans l’eau me glace. Même pas pensable ! J’espère aussi qu’il y aura du wifi parce que je ne tiendrai pas une minute sans envoyer des snaps avec un filtre de chien à tous mes copains.
Vendredi 20 décembre : ce sont les vacances de Noël. Enfin ! Il est 6h du matin, nous sommes dans le bus scolaire en direction de la station d’Avoriaz dans les Alpes. J’ai hâte d’arriver mais j’ai en même temps peur de passer une semaine loin de chez moi. Dans le bus, c’est l’effervescence, plus personne ne tient en place. Tout le monde parle ou plutôt crie les uns sur les autres car la seule préoccupation de tous est la répartition des chambres ! Ma gorge se noue rien qu’à l’idée de savoir avec qui je vais dormir. Soudain Théo, qui était assis au fond du bus, se met à crier :
« Et toi Camille, tu voudrais être avec qui dans ta chambre ?»
– Heu… avec Stéphanie ou Lucie, murmuré-je timidement.
Tout le monde se met à rigoler et à crier : « ouuuuuu ».
– Pourquoi spécialement avec elles ? dit Théo en rigolant.
– Parce que ce sont mes amies tout simplement, rétorqué-je avec agacement.
– Je pense qu’il y a autre chose, nan ? enchaîne Théo de plus en plus énervant.
– Et puis merde, en quoi ça te regarde ? Mêle-toi de tes affaires, espèce de baltringue !
À ce moment précis, je brûle de colère. Pour qui se prend-il, ce Théo, à faire des conclusions hâtives ? On dirait ma mère quand elle fait un esclandre dès que j’ose porter des vêtements un peu plus originaux que mon style habituel. Bref ! Au final, toute cette énergie est dépensée en vain car je n’ai pas partagé la même chambre que mes copines.
L’installation terminée dans la chambre avec mes colocataires, mon premier réflexe est de contrôler s’il y a du wifi. Et merde… aucune connexion ! Je vais perdre toutes mes flammes avec mes amies sur Snapchat ! Ensuite, je me dirige vers les douches. Ce sont malheureusement des douches communes. Une nouvelle fois, ma gorge se noue, mes mains tremblent à l’idée de me doucher avec mes camarades. J’ai mal au ventre. Je ressens aussi des bouffées de chaleur. Je me tords dans tous les sens tellement la douleur est forte. Plusieurs camarades passent à côté de moi et me regardent avec un air intrigué. Théo qui est présent dans le groupe s’arrête, se retourne vers moi et me lance d’un ton moqueur : « Et, t’as tes règles ou quoi, qu’est-ce qu’il t’arrive ? » Tout ce cinéma pour impressionner ses potes. A ce moment-là, j’en conclus que ce séjour au ski commence très mal pour moi.
La nuit la plus éprouvante de ma vie, je n’ai pas pu fermer l’œil. Toute la nuit, mes colocataires n’ont pas arrêté de se foutre de moi, je ne comprends pas pourquoi. Apparemment, ce qui les dérange, c’est mon pyjama rose en dentelle. Moi je l’aime bien, je l’ai acheté pendant les soldes l’année dernière. Ils sont venus plusieurs fois dans mon lit et ont dit qu’ils voulaient juste jouer avec moi et que de toute façon, on était entre nous. Ce qui les a le plus étonnés, c’est quand, avant de me coucher, j’ai enlevé mon maquillage. L’un de mes colocataires m’a dit : « Tu mets plus de fond de teint qu’il y a de couleurs sur le mur. » L’autre a répliqué : « Et puis pourquoi tu te maquilles d’abord ? Ce n’est pas fait pour toi ! » J’ai fait comme si je n’entendais pas et j’ai attendu que la nuit passe. J’espérais que le lendemain soit plus serein.
Nouveau jour, nouvelles péripéties, j’ai enfin retrouvé mes cops, quel bonheur ! On se raconte alors tous les potins.
Aujourd’hui, c’est shopping avec toute la classe. J’adore faire les magasins avec mes copines, c’est l’une de mes activités favorites. Ma mère me répète sans arrêt que je lui ressemble sur ce point car, quand elle était plus jeune, c’était une acheteuse compulsive, comme moi. Dès qu’une tenue me plaît, mon esprit me dit que je dois l’acheter. Surtout lorsqu’il y a des paillettes ou du rose. Ma tête vrille, j’adore tout ce qui brille. Et puis, le rose, je trouve que ça me met en valeur et fait ressortir mes yeux. A peine dans le magasin, un crop-top violet avec l’inscription « Relève ta tête, princesse, ta couronne va tomber » me tape dans l’œil. J’ai tout de suite un énorme coup de cœur. Mes copines aussi le trouvent super beau ; ça me fait plaisir. Je décide donc de rechercher ma taille pour l’essayer. A peine sorti de la cabine d’essayage, je vois derrière moi Théo et toute sa clique qui se foutent de moi. Je les entends ricaner et glousser comme des poules au fond du magasin. Je ne comprends pas pourquoi. Et puis Théo s’approche de moi et me dit « Je pense que ce n’est pas le bon modèle ! » Je n’ai pas tout de suite compris et puis je me suis dit qu’il devait parler de la couleur. Peut-être que le violet ne me va pas aussi bien au teint que le rose. Je décide donc de rester sur un basic, j’opte pour le T-shirt rose avec l’inscription « Queen Forever ! ». Je remarque aussi qu’il y a des boucles d’oreilles super mignonnes dans la vitrine. Certaines sont en forme de cœur, d’autres avec des petites fleurs mais celles que je préfère ce sont celles sur lesquelles il est inscrit « Love ». Je ferais vraiment n’importe quoi pour les obtenir, même si elles sont un peu onéreuses. Malheureusement, je n’ai pas les oreilles percées. Maman n’a jamais voulu. Pourtant, Dieu sait combien de fois je l’ai suppliée. Elle m’a toujours dit qu’elle me trouvait mieux sans et que peut-être un jour, en grandissant, je le regretterais. De toute façon, quand j’aurai 18 ans, je pourrai faire mes propres choix sans me soucier de l’avis de ma mère. Alors, cela ne me dérange pas d’attendre encore quelques mois.
En fin de journée, on a finalement tous terminé nos achats. On s’est bien fait plaisir aujourd’hui.
19h30 : nous sommes de retour à l’hôtel. Tout le monde s’occupe avant le souper mais moi je m’ennuie, je m’ennuie à mourir, je ne sais pas quoi faire. Je décide donc de me balader de chambre en chambre pour voir ce que les autres trafiquent. J’arrive dans la chambre de mes amies. Il y a d’autres filles avec elles. Elles sont toutes occupées à se mettre du vernis sur les ongles les unes aux autres. Apparemment, elles appellent ce jeu un ‘vernis-roulette’. Moi, je n’ai jamais mis de vernis de ma vie car je n’y ai tout simplement jamais pensé, et ma mère ne m’en a jamais acheté, pensant que cela ne m’intéressait pas. Les filles ont bien vu que ça m’intriguait. Elles m’ont tout de suite proposé d’en appliquer sur mes ongles. Bien sûr, je n’ai pas le choix. Aussitôt dit, aussitôt fait. Je porte pour la première fois du vernis.
20h00 : c’est enfin l’heure du souper. Ce soir, c’est tartiflette. J’entre dans la cantine le ventre vide et je sens des regards pesants sur moi. J’ai l’impression que tout le monde me déshabille. C’est peut-être à cause du vernis, je n’en ai jamais mis avant, peut-être que ça les a surpris. Pourtant, c’est une couleur assez sobre sur les doigts et toutes mes copines en ont aussi. Enfin, le souper se passe. Vraiment un délice cette tartiflette, faudrait que je ramène la recette à maman. Ce soir, j’ai décidé d’aller me coucher tôt parce que demain, on commence à skier et je peux vous dire qu’on n’est pas sorti de l’auberge : le ski et moi, ce n’est vraiment pas une histoire d’amour. Pire que de marcher avec des Louboutin de 12 cm. J’enfile mon pyjama et hop au dodo !
Et voilà une nouvelle journée qui commence. J’ai décidé de m’habiller en bombe pour dévaler les pistes. Je suis en train de me préparer quand soudain, je reçois un message de ma copine Stéphanie qui m’annonce que tout le monde m’attend pour partir. Je déboule dans les escaliers et j’entends crier « Camille, Camille, dépêche-toi ! On n’a pas que ça à faire ! ». C’est toujours et encore la voix agaçante de l’un des garçons. À peine en bas, on me fait savoir qu’aujourd’hui les filles et les garçons seront séparés car, apparemment, les garçons sont plus doués mais on sait tous que c’est faux ! Moi, ça me réjouit. Tout le monde est déjà en groupe. Je cours donc rejoindre Stéphanie, Lucie et Emma quand le cri d’un de mes professeurs retentit brutalement :
« Camille, va dans ton groupe ! Tu ne peux pas aller avec les filles ! » Pffff, je peux vous dire que c’est parti pour une journée en enfer.