Nous y sommes, j’ai enfin ma promotion ! Je suis tellement contente ! J’ai bossé d’arrache-pied pour l’obtenir… Bref, je suis maintenant la directrice du département écologique de World’s Rescue.
Comment j’ai obtenu cette promotion alors que je n’étais qu’une employée de bureau parmi d’autres ? Depuis le début de mes études, j’ai imaginé un projet démentiel : créer des arbres artificiels. La situation actuelle est que nous n’avons presque plus d’arbres sur la surface de la Terre. C’est vrai, depuis les incendies en Amazonie et en Australie il y a quinze ans, la déforestation n’a cessé d’augmenter.
Mon concept est simple à comprendre : j’ai imaginé de longues tiges en métal qui remplaceraient les troncs. A l’intérieur de ces tiges, un procédé chimique produirait de l’oxygène et absorberait le dioxyde de carbone. J’ai mis sept ans à perfectionner mon projet et à élaborer un prototype.
« Ce projet est irréalisable, c’est complètement absurde ! » disait mon patron.
Je ne me suis pas démoralisée. Vous imaginez bien qu’après sept ans de victoires et d’échecs, je suis plutôt persévérante ! J’ai alors décidé d’aller trouver le directeur du département pour lui soumettre mon projet.
Quelques mois plus tard, mes arbres artificiels trônaient partout : dans les jardins, le long des routes,.. Je me fais convoquer chez le PDG de l’entreprise : « Madame Bacata, j’ai le plaisir de vous annoncer que vous êtes promue au poste de directrice du département écologique de World’s Rescue ! » Cette phrase retentit dans mon cerveau tel un feu d’artifice le soir de la Saint-Sylvestre.
Le projet avait pris une telle ampleur que nous n’avions pas eu le temps de tester tous les iThrees (le nom était l’idée de la secrétaire et je le trouvais assez bon). Après tout, on ne teste pas tous les iPhones ! Entre interviews et meetings, je ne savais plus où donner de la tête. J’imaginais bien que cela profiterait à la réputation de l’entreprise mais je ne pensais pas que j’allais acquérir une notoriété pareille ! Tout le monde m’admirait, tout le monde était fier de moi. Je dois bien l’avouer, j’en étais plutôt satisfaite !
Revenons-en au fait : Le succès du projet a fait croire à la population mondiale que les arbres étaient devenus inutiles : on avait de l’oxygène maintenant ! La déforestation battait maintenant son plein : quasi plus aucun feuillus ou résineux… A cette époque, les arbres s’élevaient à une petite centaine dans chaque pays si on restait optimistes.
J’avais sous-estimé une autre fonction : si mes iThrees fournissaient de l’oxygène, ils ne produisaient, par contre, pas de fruits. Cette carence allait engendrer le retour du scorbut !
Mais une chose à la fois : il fallait trouver un moyen d’augmenter la puissance de nos nouveaux arbres et régler le problème du manque d’oxygène. La tâche avait été confiée à Joe du département informatique. « C’est un gars doué, ne t’en fais pas. », me disait-on régulièrement. Par conséquent, je n’avais pas cherché à le rencontrer ou à lui expliquer en détails chaque fragment du mécanisme.
Quelques jours plus tard, il avait trouvé un procédé pour augmenter la production d’oxygène tout en laissant suffisamment de dioxyde de carbone pour les plantes restantes. Tout allait mieux et tout le monde était rassuré. Nous vivions normalement, comme si ces tiges grisâtres étaient de majestueux chênes, comme si le manque de fruits n’influençait pas notre organisme et comme si l’humain n’avait pas ravagé la planète depuis des dizaines d’années.
Je pensais donc que le problème était réglé, alors pourquoi Joe avait-il demandé à me voir cet après-midi ? Avait-il une information confidentielle ? Etait-ce simplement pour faire connaissance ? Je m’étais donc rendue au Café du Centre. Je l’attendais depuis vingt minutes. Il était loin d’être ponctuel. Il arriva au moment où je commandais. Il avait l’air ailleurs, ou un peu paniqué peut-être ? « B-Bonjour ma..demoi-demoiselle. Excu… »
Il n’avait pas eu le temps de se calmer qu’il s’était évanoui. Je m’étais levée pour appeler de l’aide… Mais lorsque je levai les yeux pour regarder autour de moi, plusieurs personnes s’étaient évanouies aussi. Nous n’étions plus quelques-uns à être conscients dans l’établissement alors que nous étions une cinquantaine vingt minutes plus tôt.
Nous avions appelé une ambulance mais personne ne répondait. Par chance, il y avait un médecin parmi les clients, il avait rapidement conclu que leur évanouissement était dû à un manque d’oxygène.
Je courus au bureau et je n’en revenais pas. Quelqu’un avait inversé le processus des arbres. Au lieu d’aspirer du CO2 et de rejeter de l’oxygène, ils aspiraient de l’oxygène et rejetaient du CO2. J’essayais tant bien que mal d’inverser à nouveau la tendance mais je n’y arrivais pas. Un code avait été installé ; l’ordinateur, piraté. Mais qui voulait tuer l’humanité ? C’est pour ça que Joe voulait me parler ?
Quelques mois plus tard, tout a été découvert : un écologiste anarchiste avait voulu sauver la planète. Un certain James Smith. Il pensait qu’en tuant l’humanité, la terre serait sauvée. Techniquement, il n’avait pas tort. « Si les hommes disparaissent, plus personne ne ravagera la planète» répétait-il sans cesse.
Les seules personnes ayant survécu sont des personnes atteintes de certaines maladies. Pourquoi ? Encore une étude à mener… Le fait est que maintenant, les arbres, les vrais, nous suffisent. Ben oui, 90 à 95 % de la population n’a pas survécu. Des règles strictes ont été instaurées. Maintenant que nous sommes peu, il est beaucoup plus facile de surveiller tout le monde ! Finalement, on peut remercier ce James Smith !