J’ouvre la fenêtre et je vois encore ces hommes habillés de noir divaguant dans la rue. Ce sont des récolteurs d’âmes, des gens à la recherche de chaos et de désolation. Ils veulent obtenir des âmes en souffrance pour payer le prix de l’immortalité. C’est devenu chose courante en 2995, ils rôdent à toute heure en espérant qu’une catastrophe arrive, une catastrophe comme un meurtre, un viol, … Ils ont commencé leurs œuvres depuis la découverte de la destruction irréfutable de notre planète engendrée par les dégâts climatiques mais aussi les guerres et les génocides. Nous avons découvert un moyen d’accéder à une autre dimension peu après avoir compris que la terre était en sursis mais une âme en souffrance est indispensable pour traverser le portail. Voilà ce qui explique le but des récolteurs d’âmes. C’est moi qui ai découvert ce portail il y a 10 ans, après de longues années de recherche et de souffrance.
Je me présenterais bien mais comme j’ai déjà ouvert le portail j’ai perdu toute humanité. Je ne connais plus mon nom ni mon âge, bref je n’existe plus. Je suis une ombre, un vent froid qui vient vous caresser le cou, une âme en souffrance plus précisément. On n’aurait jamais dû ouvrir ce portail, on a condamné notre peuple. Les humains ignorent ce qui se trouve derrière mais moi je sais ainsi que tous ceux qui l’ont traversé, et croyez-moi, que c’est loin d’être le rêve que l’on imagine en pensant à l’immortalité. C’est un endroit sombre, rempli de tristesse, un lieu où le bonheur n’existe pas, sans oublier toutes ces âmes coincées à l’intérieur qui se mêlent aux vivants qui les ont utilisés pour la traverser. Malheureusement, personne ne peut en sortir vivant. Si on arrive à s’en extraire, on n’est plus rien qu’une âme qui ne peut communiquer avec les vivants. Nous savons depuis 2960 qu’on court à notre perte, nos efforts écologiques sont minimes et la solidarité est loin de régner. Des guerres ont explosé un peu partout, engendrant la chute des nations et de tous les systèmes économiques, nous avons tout perdu et nous en sommes responsables ; notre cupidité nous anéantit.
Quand j’ai découvert ce portail en 2985, j’ai cru à la rédemption. Je pensais avoir trouvé la solution, cependant après quelques expériences, j’ai compris la puissance de ce portail et j’ai voulu le refermer. Mais c’était impossible car je n’en suis pas le maître. Seule la mort pouvait le fermer et oui je parle bien de la grande faucheuse ou de n’importe quelle représentation que vous en faites. Elle se présente à vous sous la forme que vous avez imaginée dans vos plus sombres cauchemars. Je l’ai rencontrée en ouvrant la porte de la désolation, car pour l’ouvrir j’ai dû tuer ma propre fille, c’était le seul moyen : « Un acte cruel sur une personne de votre propre sang. ». C’est comme ça que j’ai ouvert ce portail et c’est comme ça que la mort est venue. Elle s’est présentée à moi sous forme de feu, rappel de la mort de mes parents brûlés vifs dans un incendie alors que je n’étais qu’un enfant. Elle ne m’a pas parlé, j’ai juste vu une main sortir du brasier et se tendre vers moi, je l’ai attrapée et j’ai senti mon âme se vider de tout bonheur, ensuite mon corps s’est consumé et est parti en fumée.
Je frappe au portail. La porte s’ouvre et se scelle derrière moi, laissant une fumée décuplée dégagée par mon ombre. Ce nuage a miraculeusement nettoyé la couche d’ozone… la pollution a disparu et avec elle toute l’immoralité et la crasse des humains. J’étais le porteur du remède. Il fallait que je retourne mourir une seconde fois sous la forme d’une ombre pour sceller le portail et aspirer toutes les choses qui détruisent l’humanité.