Le soleil apparaît timidement à l’horizon, nimbant le paysage d’une douce lumière. La rosée de l’aube perle sur les haies de plastique. Lentement, la ville s’éveille. Les maisons, toutes identiques, commencent à s’éclairer. Les rues sont en béton, les lampadaires en aluminium, les habitations en métal et les rares jardins ne sont faits que de plastique. Aucun chant d’oiseau, pas d’aboiements ni de chat errant sur les trottoirs. Les écureuils ont disparu en même temps que les parcs et les forêts. Les biches et les cerfs se sont évanouis. Le souffle du vent, la caresse de la chaleur ne sont que des souvenirs.
Huit heures, le moment de sortie des habitants ; chacun se prépare à partir au travail. Les citoyens quittent leur foyer pour exécuter leur éternelle routine. Aucun sourire, aucune émotion. Chacun avance à la manière d’un robot, le regard vide. Seule la vie humaine contrôle et domine un monde minéral. Les légumes et les fruits ont été remplacés par des pastilles nutritives sans goût. L’herbe est en caoutchouc d’un vert sombre et triste et les arbres de pierre sculptée se ressemblent tous. L’air n’est que pollution et gaz toxiques.
Le silence est régulièrement interrompu par le bruit de moteurs de voitures et les pas rapides des gens sur les pavés. La nature, autrefois reine et déesse de la vie, a été anéantie, tuée de sang-froid. Une extermination radicale. Elle est morte en souffrance, comme un arbre déraciné de son royaume jadis appelé Terre. Les humains ont brûlé l’environnement et ont fait périr chaque feuille, chaque arbuste, chaque végétal jusqu’au dernier. Un futur sans avenir, un univers de plomb, sans sentiment, sans énergie, sans joie. Seules subsistent les habitudes. Il n’y a plus aucune excitation ni adrénaline, une vie en noir et blanc, sans couleur et sans intérêt, perdant son goût unique. Chaque jour, le monde meurt et chaque être attend patiemment la fin de sa vie monotone.
Néo ouvre les yeux et se redresse brusquement dans son lit. Son visage est marqué par la confusion et l’incompréhension du rêve qu’il vient de faire. Mille questions se bousculent dans sa tête : « quel jour sommes-nous, quelle heure est-il et surtout, pourquoi son cerveau a-t-il créé cet étrange rêve ? » C’était comme un message, une énigme à résoudre. L’adolescent, encore sous l’effet de la stupeur, se demande : n’était-ce qu’un cauchemar ou une prémonition ? La Terre, aujourd’hui la maison de milliards d’êtres, est-elle condamnée à mourir si personne ne fait rien ? Et si Néo devait se rendre compte de quelque chose, et si son esprit avait tenté de le prévenir, de lui faire comprendre l’importance de la nature ? Alors, il tourne la tête pour poser son regard au-dehors. À travers sa fenêtre, il entend le délicieux chant des oiseaux et le doux bruit des feuilles des arbres s’agitant dans la brise de juillet. Un rayon de soleil vient caresser son visage. Tout semble clair à présent. Le jeune garçon écoute et voit des choses qu’il n’avait jamais remarquées auparavant. C’est comme une renaissance, une révélation qui jaillit hors de sa poitrine comme une éclosion de fleur. Il laisse entrevoir un léger sourire et d’une voix déterminée, prononce la phrase qui donnera un sens à sa vie : « Je sauverai cette planète et je ne suis pas seul. »
En une fraction de seconde, il se lève et enfile les vêtements qui sont à portée de ses mains. Ses cheveux encore ébouriffés, il descend les escaliers à une vitesse folle, comme pour attraper son bus les matins d’école. Il effectue de grandes enjambées pour atteindre la porte d’entrée et l’ouvre d’un geste décidé. Plein d’ambition et d’idées naissantes, Néo court à l’extérieur pour admirer le monde qu’il veut épargner.
Subitement, il arrête sa course, son cœur semble cesser de battre, son souffle est interrompu et il ouvre de grands yeux écarquillés. La verdure s’est envolée, le vent s’est calmé et l’air s’est glacé. Le garçon se retrouve dans la ville de son rêve. Le paysage qu’il pensait trouver s’est transformé en une vie de fer.
Comment différencier le cauchemar de la réalité ?
Ne feraient-ils qu’un ?