Minuit. J’allume la télé : “Flash Info”. Intéressée, j’augmente le son et là, je l’entends. La pire nouvelle de mémoire d’homme : la 6ᵉ extinction est maintenant terminée, la 7ᵉ débute…
Pour ceux qui l’ignoreraient encore, la 6ᵉ extinction est celle des animaux. La vie sans eux a complètement changé. Nous avons dû revoir notre manière de nous nourrir. Toute notre nourriture est fabriquée chimiquement ou à partir de certaines plantes.
Tout le monde a paniqué quand les animaux ont disparu, mais je pense que ce n’est rien comparé à ce qu’on va devoir affronter à présent. La 7ᵉ extinction est la plus effrayante car c’est de l’extinction de l’humanité dont il s’agit.
D’après ce que j’entends, les spécialistes sur les plateaux de télévision ne savent pas vraiment ce qui la provoque. Tout ce qu’on sait, c’est que suite au forage d’un puits de pétrole au Rwanda, un gaz mortel est sorti des entrailles de la Terre. Ce gaz a tué tous ceux qui étaient aux alentours du puits, instantanément. Les scientifiques ne comprennent pas trop ce qu’est ce gaz mais ils continuent leurs recherches.
26 février 2040. Le nuage de gaz continue de progresser. Les infos diffusent la nouvelle. Ce gaz mortel est en fait un concentré de dioxyde de carbone. À force de creuser toujours plus profond, la Terre a atteint ses limites. Les scientifiques expliquent que la couche d’ozone n’arrive plus à absorber le dioxyde de carbone et la pollution résultant des activités humaines. Apparemment, plus on continue à polluer, plus ce nuage toxique s’agrandit et couvre peu à peu le continent africain. La plupart des personnes qui entrent en contact avec celui-ci meurent instantanément ou tombent dans le coma ; elles ne se réveillent pas toujours, pas très souvent en tout cas…
Mais l’Afrique n’est pas le seul affecté. On assiste à ce phénomène partout dans le monde. L’ONU demande en vain l’arrêt des activités destructrices. Plutôt que de se remettre en question et de stopper celles-ci, les présidents des multinationales et des gouvernements préfèrent se voiler la face et tromper les citoyens par des discours fallacieux.
10 mars 2040. Le nuage toxique est arrivé dans notre ville. Depuis l’apparition de celui-ci, je suis sans nouvelles de ma mère ; je me rends chez elle pour voir comment elle se porte. Elle qui est si fragile depuis qu’on lui a diagnostiqué un cancer de stade 4…
Arrivée chez elle, je sonne mais personne ne vient m’ouvrir. Je vais alors voir la voisine :
– Bonjour, auriez-vous vu récemment la dame qui habite en face de chez vous ?
– Vous parlez de votre mère ?
– Oui ! Je n’ai plus eu de nouvelle d’elle depuis l’apparition du nuage toxique et je suis très inquiète vu son état de santé fragile.
– La dernière fois que j’ai vu Catherine, c’est quand une ambulance est venue la chercher.
– UNE AMBULANCE !!! C’était il y a combien de temps ?
– C’était il y a deux semaines au moins, je pensais qu’on vous avait prévenue !
– Non, on ne s’est plus parlé depuis au moins un mois.
– Ne vous inquiétez pas, votre mère est forte et courageuse. Avec sa force de caractère, elle vaincra la maladie, j’en suis sûre !
– Savez-vous dans quel hôpital elle a été emmenée ?
– Oui, c’est le Clinica Hospital.
– Où se trouve-t-il ?
– Il se situe en plein centre-ville, vous ne pourrez pas le rater.
– D’accord, merci pour tout.
Après dix longues minutes de route, je suis enfin arrivée. Je me précipite à l’accueil.
– Bonjour, je cherche ma mère, elle s’appelle Catherine Miller. Elle a 75 ans.
– Attendez, je regarde. Non, elle n’est pas enregistrée dans nos fichiers mais allez aussi consulter mes collègues installés dans la zone bleue. Il y a tellement de patients depuis ce nuage toxique que l’on n’arrive plus à enregistrer tout le monde dans nos ordinateurs… donc quelques collègues nous aident et les enregistrent sur papier.
– Merci, je vais aller les voir.
– Bonjour, je recherche Catherine Miller. Elle a 75 ans.
– Pourriez-vous me dire à quoi elle ressemble ?
– Elle est de taille moyenne, elle a de longs cheveux gris, des yeux bruns.
– Avez-vous une idée dans quel service elle pourrait être ?
– Oui, elle devrait séjourner en oncologie… Elle est atteinte d’un cancer…
– Oui, je vois de qui vous parler. Elle est dans la chambre numéro 21 au premier étage.
– D’accord, merci beaucoup pour votre aide.
Une fois devant sa chambre, une vague de stress me submerge. Une terrible boule au ventre, les mains tremblantes, j’ouvre la porte et aperçois un médecin.
– Que faites-vous là ? Qui vous a autorisé à venir ici ?
– Je suis Lucie Miller. J’ai été à l’accueil et on m’a autorisée à venir voir ma mère, Catherine Miller. On m’a dit qu’elle se trouvait dans cette chambre.
– Bonjour, je suis le docteur Hanappe, le médecin qui a pris votre mère en charge.
– Que lui est-il arrivé ?
– Pour éviter que votre mère souffre, nous l’avons placée dans un coma artificiel.
– Combien de temps lui reste-t-il ?
– Quelques jours…
– Vous en êtes certain ?…
– Malheureusement oui, en tout cas, selon les résultats des derniers tests.
– Est-ce que je peux rester auprès d’elle ?
– Oui, mais gardez bien votre masque et ne touchez à rien. On ne sait jamais ce qui peut arriver.
Quelques jours plus tard, j’entends des cris de joie dans le couloir. Je vais voir ce qu’il se passe et j’entends la bonne nouvelle. Les journalistes annoncent que le nuage toxique commence à se dissiper. Apparemment, les multinationales et les gouvernements auraient fini par arrêter les activités les plus polluantes. Enfin de bonnes nouvelles !
Pas pour moi, malheureusement. Pour ma mère, c’est le cinquième jour… C’est aujourd’hui la pire journée de ma vie. Je retourne dans sa chambre. Ma mère est à côté de moi pour l’instant, plus pour très longtemps. Les heures passent et le docteur Hanappe vient me voir de temps en temps. 16 h 00. Ce long bruit interminable qui annonce la fin. Je sens une larme couler le long de ma joue, puis une deuxième, puis un flot de larmes intarissables. Je m’écroule en sanglots. Je suis paralysée. Je n’ai pas la force d’appeler un médecin pour arrêter le signal sonore de la machine qui hurle que ma mère est partie pour toujours. Soudain, j’entends mon nom résonner. Je me retourne et j’ouvre les yeux. Au-dessus de moi, ma mère et un médecin.
Je suis le docteur Hanappe, bon retour parmi nous Lucie !