“Lève-toi, j’ai une surprise !” me dit Samantha.
Qu’est-ce qu’elle est belle ma femme, trop ! En ouvrant les yeux je la vois souriante et excitée comme chaque matin par l’idée d’entamer une nouvelle journée. J’ai bien pris mon temps comme d’habitude, je l’ai observée longuement. Parfois tout cela me semble irréel.
“Bon, si tu veux faire la limace comme ca, je t’attends en bas dans la cuisine.” dit Samantha tout en m’embrassant sur la joue.
Une voix interrompt soudainement celle de ma femme.
“Bonjour Monsieur Marks, ce dimanche matin il fait 27° et le temps sera ensoleillé toute la journée, voulez vous prendre une douche ou je vous fais couler un bain ?“ toujours avec la même voix monotone, EDEN viens d’avoir une mise à jour et apparemment sa voix est plus humaine d’après les développeurs. Cela laisse à désirer. J’ai pris l’option douche et ensuite mon assistante m’a proposé plusieurs styles vestimentaire pour la journée. J’ai sélectionné un peignoire à la Hugh Hefner. Le vêtement m’a été envoyé instantanément via une garde-robe automatisée.
En descendant les escaliers en verre , pendant que je contemple “Le Baiser” de Klimt affiché sur le mur gauche de celui-ci, je sens une odeur de crêpes venant de la cuisine.
“Tu arrives à pic Rob !” s’exclame Samantha vêtue uniquement d’un simple tablier de cuisine. C’est la même chose tous les matins, tous les jours c’est elle qui me fait mon petit déjeuner, je ne lui dis même plus merci. Au moment où je m’assoie, le journal s’affiche sur le mur en face de moi, tel un portail.
“La paix est toujours présente dans la monde, Marks Industries a ouvert 5000 nouveaux magasins en Asie …” tout le temps la même chose, de la positivité, c’est agaçant. Je demande à Eden d’éteindre la télé.
Après une longue matinée Samantha et moi sommes partis à la piscine, la vue est splendide, on peut presque observer tous les types de paysages possibles et imaginables de cette hauteur. Samantha me rejoint nue dans l’eau et me prend dans ses bras par derrière. Je ne réagis même plus, c’est comme si ma conscience se trouvait tout au fond des Limbes. Je me suis trop habitué à cette vie de multi-milliardaire .
“Tu m’a l’air contrarié mon amour, ça ne va pas ? tu veux que je te fasse un massage ? “ me propose Samantha.
Sans lui répondre, je suis sorti de l’eau et me suis dirigé vers la banya. Tandis qu’elle me masse, je continue à réfléchir à Eden, à mon but dans ce monde et à ce que j’ai accompli : Tout et absolument rien. Les coups soudains des branches de bouleau me font émerger de mes pensées.
Nous nous sommes changés et avons pris la Lamborghini pour aller dîner. J’accélère de plus en plus et brusquement je tourne sur le sentier vers le village. Samantha n’a même pas eu le temps de paniquer que l’on était déjà étalés dix mètre plus loin, la voiture fumante broyée contre un arbre. Le corps de ma femme qui ressemblait à une piñata après l’anniversaire d’un enfant de 10 ans se trouvait quelques mètres plus loin. Cela ne me fait plus d’effet, j’ai tout essayé, plus rien ne me donne la moindre émotion.
“Eden, eteins la simulation !” ai-je hurlé.
En enlevant le câble branché dans mon trou occipital, EDEN m’informe des Terawatts fournis par mon activité dans la simulation ces 7 dernières semaines .
“Merci de contribuer à notre futur ER21TAR1, à la prochaine, cher membre.”
Je sors de mon studio, ou devrais-je plutôt dire ma cellule, pour prendre l’air sur ma terrasse. Je ne m’habituerai jamais à la taille du bâtiment , ce bloc fait l’équivalent d’une ville et nous somme une dizaine de millions par infrastructure à fournir de l’énergie pour alimenter la centrale , pour que les plus favorisés, les demi-dieux comme on les appelle puissent profiter du petit paradis qu’est la ville d’“Olympe”. Combien de milliards sommes-nous à faire fonctionner EDEN ? Combien sommes nous à être bloqués dans ce “paradis virtuel”, sans sortie, sans choix, sans futur ? Je sais que je vais devoir recommencer une vie, on le sait tous. Un an dans EDEN équivaut à une semaine perdue de notre vie et deux mois d’énergie à Olympe. Demain, je vais essayer de devenir un gourou de secte, un chirurgien ou un pilote d’avion. De toute façon qu’ai-je d’autre à faire ?