Le premier jour de l’année, 1er janvier 2042. Cela fait plus de vingt ans qu’on ne voit plus un brin de neige en cette période d’hiver. À cause du réchauffement climatique et de la surconsommation, les phénomènes météorologiques se sont déréglés. Chaque pluie devient inondation, chaque coup de vent se mue en tempête. Plus rien n’est comme avant et personne ne fait rien pour y remédier. J’ai l’impression que cela n’inquiète personne… Je ne sais que faire. Ce n’est pas moi, petite personne de vingt ans, qui vais changer le monde et réparer la planète…
Tout a commencé quand j’avais dix ans, il y a donc dix ans. Moi, Olivia, j’habitais alors à Strasbourg avec mes parents, Laetitia et Jean, qui avaient tous les deux quarante ans. Je suis fille unique et je vous avoue qu’avoir des frères et sœurs m’a toujours un peu manqué. J’étais en quatrième primaire et tout se passait bien à l’école. J’avais des amies, j’étais globalement heureuse. Et puis, un soir, en rentrant de l’école, Maman m’a dit que je ne pourrais plus aller en classe, car elle serait désormais fermée à cause des phénomènes météorologiques. Tout le pays était en alerte rouge. La ville était vide et si calme.
Depuis, tout a changé ! Mes parents sont devenus attentifs au moindre déchet et à tout ce qu’ils achètent. Tout est fait maison, à présent : des biscuits aux emballages en passant par la lessive. Quand ce n’est pas possible, c’est de la seconde main. Maman a aussi fabriqué beaucoup avec les chutes de tissus des couturières qui remettaient leurs commerces après l’effondrement de leur seule source de revenus. Papa et Maman font tout pour préserver la planète à leur échelle. J’ai fini par me laisser convaincre…
Puisque je dois rester chez moi, je me suis décidée à concevoir des affiches publicitaires et à les coller sur tous les panneaux de la ville afin de mobiliser le plus de personnes possible. Si je ne me décide pas à agir, qui le fera ? Quelques jours après, une brigade policière spéciale est venue chez moi. Mes parents étaient au travail. Je me suis levée pour ouvrir la porte, et ils sont entrés sans même me dire bonjour, en forçant le passage. Pour qui se prennent-ils ? Qui sont-ils pour me manquer de respect de la sorte ? Ils sont deux, un homme grand très mince et ténébreux, et une femme pas très commode au premier abord et aux cheveux couleur paille. Ils m’ont interrogée pendant au moins une heure et m’ont signifié que j’ai enfreint la loi en collant mes affiches. Ils m’ont ordonné de signer un document reconnaissant mes torts, ce que j’ai refusé de faire. Ils m’ont prévenue qu’il y aurait des suites… J’en ai parlé à mes parents qui m’ont félicitée et soutenue. Heureusement qu’ils sont là !
Deux jours plus tard, toutes mes affiches ont été retirées. J’ai alors décidé de créer un groupe sur les réseaux sociaux pour de nouveau mobiliser un maximum de monde. De fil en aiguille, de plus en plus de personnes ont suivi mon groupe. J’ai alors décidé d’aller plus loin avec des réunions afin de rencontrer un maximum de monde et de les inviter à manifester. Nous avons préparé une manifestation de grande ampleur pendant des mois. Le jour venu, nous avons été plus de 600 personnes à nous mobiliser contre l’État.
J’étais à la fois heureuse de ce succès et stressée que tout ne se passe pas comme prévu. J’avais peur de la réaction de la police. Qu’allait-elle nous faire ? Les policiers, les politiques… allaient-ils enfin ouvrir les yeux ?
Sur place, des représentants politiques de tous les partis au pouvoir ont essayé de nous dissuader, de nous convaincre que tout allait bien, mais nous savions tous que ce n’était pas vrai. Quelques jours plus tard, un service secret de l’État est venu me voir à nouveau. Ils ont proposé à mes parents et à moi 10 000 euros cash si nous acceptions de laisser tomber et d’avouer à notre groupe de mobilisation que ce n’était qu’une histoire montée de toutes pièces. J’ai cru rêver… Jamais je ne ferais cela. Notre monde agonise et on essaie de nous faire taire ! J’ai refusé. Il m’est impossible de renoncer à tenter de sauver le monde…
Et ce matin, la nouvelle est tombée : le parlement prend le contrôle de la situation et va analyser nos revendications citoyennes. Quand une personne, puis dix, puis cent, puis mille… se mettent ensemble pour changer les choses pour un monde meilleur, tout est encore possible !