Nous étions le 21 mars 2035. Quand j’étais petite, on disait « le premier jour du printemps ». Cependant, maintenant, ce jour renvoie à la grande catastrophe : celle quitransforma la vie des grands et des petits.
Jadis, les enfants de mon âge et moi-même étions heureux à l’arrivée de cette saisonparce qu’il s’agissait de la période où nous sortions jouer à cache-cache, allions à la plaine de jeux ou encore jouions au foot. De nos jours, les jeunes redoutent ce fameux 21 mars et en ont peur, lorsqu’à minuit la sirène retentit dans toute la ville. Tous saventce qu’elle signifie : l’enlèvement de deux cents enfants choisis. Mais par qui et pourquoi ?
Certains disent qu’un groupe de scientifiques les kidnappent dans le but de leur faire subir des expériences pour essayer de rendre l’humain immortel. D’autres disent qu’ils cherchent à créer des clones. Qui a tort, qui a raison ?
Je m’appelle Nayra. J’ai quarante ans et j’ai une petite fille de cinq ans, Liya. Noushabitons un petit appartement dans le centre-ville. Mes yeux se baladent dans le salonavant de s’arrêter sur le calendrier digital : jeudi 20 mars 2070 indique celui-ci. Vousl’avez compris, bientôt, la sirène retentira et comme chaque année depuis la naissance de Liya, je ne fermerais pas l’œil de la nuit de peur pour ma fille.
À l’aide de mon téléphone, je verrouille l’ensemble de la maison. Plus les minutes passent et plus le stress monte. Je regarde l’heure affichée sur le mur du salon : 23h59. Des pas se font entendre dans le hall de mon immeuble. Alors que je jette à nouveau un coup d’œil à l’heure, l’horloge retentit à trois reprises : il est minuit. Les bruits de pas s’arrêtent devant ma porte. Toc, toc, toc …
Je me précipite dans la chambre de ma fille alors qu’elle dort profondément avecmonsieur Ly, son doudou, coincé entre ses petits bras. Je m’assure qu’elle va bien etdépose un baiser sur son front avant de repartir en verrouillant la porte de sa chambre dont l’ouverture nécessite une double identification.
En repassant dans le couloir, je remarque que la porte d’entrée tremble sous les coups des individus. Je passe dans la cuisine pour récupérer mon téléphone et merends dans la buanderie pour déverrouiller le coffre qui se trouve derrière la machine à laver. J’en sors mon 9MM que je cache dans la poche arrière de mon jean, des munitions, deux petits poignards que j’attache à mes chevilles sous mon pantalon et un gilet pare-balles que je me dépêche d’enfiler. Je cale le fusil dans mon dos et renfile mon pull comme si de rien n’était. Je prends une longue inspiration et je medirige vers la porte d’entrée qui finit par céder sous les coups. Deux hommes cagoulés et entièrement vêtus de noir entrent dans l’appartement.
– Un problème, messieurs ?
Les deux hommes échangent un regard. Le plus petit de taille met ses mains derrièreson dos et balaye des yeux en quelques secondes l’ensemble de mon domicile. Le plus grand ne m’a pas quitté des yeux.
– Votre fille, où est-elle ? Me demande le p Comme figée, je ne réponds pas tout de suite.
– Où est Liya ? Me répète-t-il. Vous connaissez les règles. Vous êtes une femme intelligente Nayra. Respectez-les et tout se passera bien.
– Grouille-toi. Nous n’avons pas de temps à perdre. Les autres attendent. Prononça enfin le deuxième.
Surement, sous l’effet de l’adrénaline, je sors mon 9MM que je pointe sur la tempe duplus petit des deux hommes qui était aussi le plus proche de moi.
– Lâche ton Retourne-toi lentement et sors de chez moi si tu ne veux pasqu’il arrive quelque chose à ton ami. Dis-je en m’adressant à l’autre homme.
Celui-ci obéit, mais en l’espace d’une seconde, celui que je tenais en otage me désarme avant de pointer le fusil sur ma tempe.
– Avance. Me dit-il en me poussant vers la direction des
Une fois face à la porte de la chambre de Liya, l’homme grand de taille réapparaîtdevant nous et donne mon téléphone à celui qui me tient, un sourire aux lèvres. Quand et surtout comment a-t-il pu me le prendre ?
– Laissez ma fille tranquille, s’il vous Ne me l’enlevez pas, je vous en supplie.Dis-je alors que j’éclate en sanglots.
Avant d’avoir eu le temps de finir ma phrase, je sens une douleur vive au niveau de la tête. On venait de m’assommer avec la crosse du fusil.
Lorsque je me réveille, je suis seule dans l’appartement. Ma tête est douloureuse. J’ypasse ma main et découvre que je saigne. Je me relève doucement me remémorant les événements qui ont pu se dérouler. C’est lorsque mon regard croise l’heure qu’indique l’horloge du salon que les souvenirs reviennent : il est 3h12 et ma fille a été enlevée.
– Liya ? Liya ? Je hurle en espérant de tout mon cœur que ma fille meréponde.
Assise par terre dans ma chambre, je laisse mes larmes couler sur mes joues. Je jette un œil à ma garde-robe dont les portes sont ouvertes et remarque un document au pied de celles-ci. Je me lève, le prends en main et me fige en lisant les quelques mots qui y sont écrits.
« [ ] la patiente est diagnostiquée schizophrène ».
En l’espace de quelques secondes, je vois ma vie défiler devant mes yeux. Je me remémore la mort de Liya qui a eu lieu il y a 3 ans, ma descente aux enfers, les médecins, les médicaments, les rendez-vous, revois les yeux du petit homme et lesourire moqueur du grand. Je sais qu’ils m’ont pris Liya et qu’ils veulent me rendrefolle.
Oui. Je sais qu’ils existent, que la grande catastrophe est réelle et qu’elle a lieu chaque21 mars. Je sais qu’elle a eu lieu encore cette nuit et qu’ils m’ont enlevé ma fille. Ils veulent me faire passer pour folle. Ils le font exprès. Cela fait partie du processus. Jene devais pas oublier. Rien n’est laissé au hasard. Chaque détail compte et les plus faibles se font avoir. C’est de cette manière qu’ils opèrent pour s’assurer que lesparents ne vont pas à la recherche de leurs enfants. Oui. Je le sais. Ils m’ont enlevé mafille Liya. Elle n’avait que 5 ans. Ahaha. Elle était belle ma fille. Comme sa maman. Oui comme moi…