Je n’avais jamais été aussi énervée de toute ma vie. Je n’arrive pas à croire qu’ils osent me priver de tout ce que j’aime ici, chez moi, en Ecosse pour un boulot stupide à l’autre bout de la planète !
– Et vous me prévenez seulement maintenant ??
– C’est parce qu’on ne voulait pas te perturber et que tu puisses profiter un maximum de la vie que tu as ici.
– Mais vous ne vous rendez pas compte, vous ne pouvez pas me dire qu’on va déménager en Australie où on voit des serpents et araignées mortelles tous les cent mètres. Vous savez à quel point j’ai la phobie de ce genre de bêtes ! Mais le pire dans toute cette histoire c’est que vous m’annoncez la nouvelle seulement une semaine avant de partir !!
– Ton père et moi sommes vraiment désolés, nous croyions bien faire en te l’annonçant le plus tard possible, mais, apparemment, vu ta réaction, ce n’était peut-être finalement pas la meilleure des décisions…
– Mais noooon, vous croyez ?
– De toute façon ceci ne change strictement rien à la situation, nous partons quand même en Australie, que tu le veuilles ou non. Et puis, je suis certaine que tu vas te plaire là-bas, tu adores voyager et tu es une personne sociable ; je suis sûre que tu vas vite te faire de nouveaux amis !
– Mais c’est injuste, je ne peux même pas donner mon avis, on est une famille non ?
– Ecoute, je ne suis pas non plus très fan de cette situation mais nous n’avons pas le choix, si nous ne déménageons pas, ton père sera au chômage alors que son poste en Australie est une opportunité unique qui nous permettra de vivre confortablement.
– Donc, tout ce qui vous intéresse c’est de rapporter un maximum d’argent pour être à l’aise et vivre dans une grande maison remplie d’insectes venimeux qui pourraient vous tuer à n’importe quel moment !
– Oh arrête d’être aussi dramatique, tu exagères !
– Non, pas du tout, c’est vous qui ne comprenez pas, je ne peux pas quitter tout ce que j’ai ici, mes amis, l’école, la danse et la beauté de l’Ecosse. C’est mon pays et je l’adore !
– Ecoute, je comprends que tu sois sous le choc ; je vais te laisser te reposer et digérer la nouvelle. Je vais aller préparer le diner, on mange dans 30 minutes.
Je ne réponds pas et sors de la cuisine en trombe. Elle croit vraiment que je vais venir manger après la bombe qu’elle vient juste de lâcher ; elle ne me comprendra décidément jamais !
Je rentre dans ma chambre, claque la porte bien fort et mets de la musique dans mes oreilles pour essayer de me calmer les nerfs. Je reste dans mon lit et essaie différentes méthodes pour me détendre. Mais rien ne fonctionne ! Je décide donc de sortir prendre l’air et d’aller à mon endroit préféré sur cette terre, Fairy Glen, un endroit magique qui m’a toujours fascinée !
Après une quinzaine de minutes de marche j’y arrive enfin et me sens tout de suite mieux. Vous allez peut-être penser que j’exagère mais je vous jure que cet endroit a le pouvoir de m’apaiser instantanément grâce à la vue des montagnes tapissées de verdure et des rochers qui forment de mystérieux labyrinthes en spirale. Cet endroit est vraiment féerique et offre une vue incontournable sur les Highlands. Depuis l’indépendance de l’Ecosse en 2036, le pays n’a jamais été aussi beau et verdoyant ! En effet, dès que le pays est devenu libre de prendre ses propres décisions quant à la protection de l’environnement et des monuments historiques, les membres du conseil supérieur ont décidé de vraiment prendre soin de la nature sauvage des Highlands. Depuis, cette partie du pays n’a jamais été aussi belle.
Comme d’habitude, dès que je suis triste ou énervée, je dépose une pièce de monnaie dans les roches de la petite grotte située juste à côté des ruines du petit château Ewan pour me porter chance. Là j’en ai vraiment besoin !
Une fois la pièce posée dans une fissure, je décide de rentrer chez moi car, malgré le fait que je sois toujours enragée, je ne veux tout de même pas que ma mère s’inquiète trop de ma disparition soudaine.
Je marche d’un bon pas, quand brusquement j’entends comme un bruit juste derrière moi. Je me retourne et vois un homme avec une capuche qui porte un… kilt ! Plus personne n’en porte dans la vie de tous les jours, seulement lors d’occasions spéciales. Je vois l’individu s’approcher lentement de la grotte comme pour ne pas se faire remarquer, mais bon, c’est un peu raté puisque je l’ai vu ! Il extrait la pièce que je viens de poser il y a à peine deux minutes ainsi que toutes les autres pièces de monnaie insérées dans la roche ! Mais ça va pas, pour qui il se prend, lui ! Il se permet de voler de l’argent comme ça alors que des gens l’y ont mis dans un but très précis ! Je décide donc de m’approcher discrètement – il ne faut pas qu’il m’entende.
– Je vous dérange monsieur ?
– Oh mon Dieu, vous m’avez fait peur, lass !
– Habituellement je m’excuserais mais comme je vous ai vu voler la pièce que je viens de poser il y a deux minutes je vais être moins polie. Reposez-la tout de suite ; je l’ai placée là pour une raison importante !
– Oui pour que la chance vous sourie, je sais. C’est d’ailleurs pour cette raison précise que je me permets de la prendre et de l’emmener dans un lieu plus sûr et sacré encore que cette vieille grotte.
– Et où l’emmenez-vous alors, puis-je savoir ?
– Je rapporte votre pièce à mon village pour la déposer dans une fontaine millénaire où toutes les autres pièces se trouvent. Elles y sont bien plus en sécurité et l’eau de la fontaine est magique.
– En, d’autres termes, vous volez la monnaie, vous la cachez dans un endroit secret et vous la ressortirez quand vous en aurez besoin, c’est ça ?
– Vous croyez que je vole ces piécettes ?
– Bien sûr et n’osez pas me dire le contraire, cette histoire marche peut-être avec certains touristes mais pas avec moi, mon cher ami.
– Ce n’est pas ça du tout, je vous le promets. Pour mon clan, cette croyance est très importante et nous voulons vraiment que les pièces de monnaie portent chance à tous ceux qui y croient. Si nous les laissons dans la grotte, elles risquent d’être dérobées par de vrais voleurs. En les emmenant pour les déposer dans la fontaine, nous faisons en sorte qu’elles soient en lieu sûr et qu’elles portent chance grâce à la magie de l’eau.
– Votre clan ? Attendez, les clans existent toujours ? Je croyais qu’ils avaient disparu au 18e siècle.
– Oui, beaucoup d’entre eux ont péri suite à la défaite des Ecossais lors de la bataille de Culloden, mais depuis l’indépendance du pays, certains ont repris vigueur. Il y en a cinq et je fais partie du clan MacLeod.
– Comment se fait-il que personne ne connaisse votre existence ?
– Nous ne voulions pas être dérangés par des milliers de touristes ou par les habitants des alentours. Nous avons donc demandé que le conseil supérieur fasse en sorte que seuls les membres des clans soient au courant.
– Wow, c’est génial !
– Oui, je vis la vie dont j’ai toujours rêvé : nos clans s’entraident et nous vivons en harmonie parfaite avec la nature, elle n’a jamais été aussi belle, nous ne voulons pas gâcher cela. Au fait, veux-tu venir visiter mon clan ? Je pourrai aussi te montrer la fontaine où je dépose l’argent, comme ça tu me croiras peut-être enfin.
Je ne sais pas quoi répondre. Et si c’est un piège pour me kidnapper et me livrer à je ne sais quel horrible groupe ? J’hésite pendant un instant, mais ma curiosité prend le dessus et quelque chose me dit que ce (très beau) garçon n’est pas dangereux. La preuve, il veut me faire visiter un lieu que presque personne ne connait. Alors je décide d’accepter sa proposition.
– Oui, avec plaisir, j’adorerais voir ça !
– Super, suis-moi. En revanche il va falloir marcher vite parce qu’il va bientôt faire noir. Au fait, quel est ton nom ?
– Aila, et toi ?
– Je m’appelle Duncan.
Je pense soudain à mes parents ; avec la rencontre de l’homme, j’ai complètement oublié que je devais rentrer à la maison pour manger ! Mais bon, ce n’est pas tous les jours qu’on me propose de visiter l’endroit où vit un des plus vieux clans écossais. J’envoie donc un message à ma mère pour qu’elle ne s’inquiète pas.
Après une vingtaine de minutes de marche, nous arrivons enfin dans un petit village parsemé de maisons construites en pierres et couvertes de plantes, sur les murs comme sur les toits. C’est vraiment magnifique ! Chaque habitation a son propre potager et aux abords du village se trouvent deux champs, l’un où gambadent des chèvres et des moutons et l’autre où broutent vaches et chevaux. Chaque toit est orné de plusieurs panneaux solaires.
– Voici notre petit coin de paradis. Nous utilisons toutes les énergies renouvelables pour nous chauffer et avoir de l’électricité. Tu ne peux les voir d’ici, mais en haut de la colline, des dizaines d’éoliennes sont installées pour nous fournir de l’énergie. Nous chassons notre propre viande mais sans exagérer bien sûr ; nous n’en mangeons pas autant qu’avant. Nous cultivons également nos propres légumes et certains fruits. En fait, chaque famille a son potager, comme tu as sûrement pu le remarquer lorsque tu es arrivée. Viens, je vais te présenter à ma famille, ils vont être tellement heureux de tout te raconter sur notre mode de vie et de voir une nouvelle tête !
Quand Duncan m’a proposé de venir visiter son village, je m’attendais à voir un petit hameau comme il en existait au 18e siècle, mais je ne m’attendais certainement pas à découvrir ce genre de maisons éco-responsables avec plein de moyens pour vivre sans polluer notre planète et maintenir l’équilibre avec la nature. Le monde entier devrait en prendre de la graine ! Honnêtement, c’est admirable de voir des gens se soucier autant de la planète pour que les futures générations puissent vivre dans le meilleur monde possible.
Entendre Duncan et ses parents me parler avec autant de passion du village qu’ils ont créé me donne vraiment envie de rester et de m’y installer pour de bon ; je sens que je m’y sentirais beaucoup mieux qu’en Australie. Mes parents n’auraient pas à m’écouter me plaindre tous les jours sur la décision qu’ils ont prise. Je veux vivre dans un lieu respectueux de l’environnement… Et si je restais ?