Il est grand, large et mesure sept mètres de haut. Son rôle est de séparer la population en deux ; d’un côté les émotionnels et de l’autre les anti-émotionnels. Il est apparu bien avant l’année 2425… quand j’y réfléchis, il a toujours été là, personne que je connais a déjà vu à quoi ressemblait l’autre côté. Les seuls qui savent sont ceux sur qui la méthode pour acquérir des émotions a fonctionné.
Et cette méthode ils la doivent au patron. Il est le dernier scientifique allemand à avoir travaillé sur la façon de nous faire acquérir des émotions, de nous faire ressentir des choses ; que ce soit la joie, la tristesse ou bien l’amour, il y en a trop pour qu’elles soient toutes citées. Cette méthode vise à pousser les anti-émotionnels à avoir un déclic en eux. Le patron en sélectionne quelques-uns et leur fait passer deux épreuves. Elles consistent à voir si on est aptes à passer du côté de chez les émotionnels ou pas.
C’est vraiment devenu sa priorité il y a de cela un an. Un jour, ses caméras ont détecté un incendie dans une maison du côté des anti-émotionnels. Deux jeunes ont oublié de couper la plaque électrogazique. Et comme ils n’ont pas ressenti le besoin d’appeler à l’aide ou même l’émotion de panique comme tout être doté d’émotions, ils ont brûlé avec la maison, et ce qui a le plus marqué le patron, c’est que aucun des anti-émotionnels n’a appelé à l’aide. C’est depuis ce jour qu’il a décidé de tout faire pour nous venir en aide. Car être sans émotion est dangereux pour nous-même et pour les autres.
La première épreuve à passer pour retrouver ses émotions est un test de QI car tous les émotionnels sont très intelligents. Mais pour y arriver, il faut atteindre les 97%. Quand c’est fait, vous accédez directement à l’épreuve finale. Celle-ci consiste à vous provoquer un choc puissant, qui va réanimer vos émotions grâce à un casque de réalité virtuelle. Ce choc peut être causé par n’importe quelle condition. Exemple : nous faire sauter d’un vaisseau avec un parachute et au moment où celui-ci doit s’ouvrir, il ne le fait pas. Le patron est vraiment prêt à tout pour nous restituer ce dont nous sommes dépourvus.
Cette méthode a tellement bien fonctionné qu’il ne reste plus que moi, Charlotte Candel, et mon meilleur ami, Léon, que je connais depuis toujours. Enfin, je pense que c’est mon meilleur ami. En tous cas, c’est ce qu’a constaté le patron en nous observant avec ses caméras. Mais bon, cette question, je me la poserai après les tests car eh oui, c’est aujourd’hui que nous les passons. La première épreuve est réussie, la deuxième ne l’est pas pour ma part mais du côté de Léon, c’est l’inverse. Le patron le félicite, lui donne tout ce qu’il faut pour son changement de côté. Et avant de partir, Léon vient me dire au revoir, me serre dans ses bras et je vois de l’eau qui s’échappe de ses yeux. Chez les émotionnels, on appelle ça des larmes.
La porte se referme et je me rends compte que je suis la dernière des anti-émotionnels, je me sens comme un animal en voie de disparition. Je n’ai même pas le temps de me retourner que j’entends le patron m’appeler :
– Charlotte viens avec moi, et au passage prends tes affaires.
Je m’arrête et je lui demande : « pourquoi dois-je prendre mes affaires, car après tout, j’ai raté le dernier test ? ». Il me dit que je viens vivre dans son laboratoire pour comprendre ce qui ne va pas avec moi.
Nous voici en 2427, cela va bientôt faire 2 ans que Léon est passé de l‘autre côté et que le patron cherche ce qui cloche chez moi. Aujourd’hui, je vais voir le patron pour mes tests et il me dit « c’est le grand jour Charlotte ! ».
– Comment ça un jour spécial ?
Il me dit de préparer mes affaires et de l’attendre devant la porte par laquelle Léon est sorti. Je m’exécute et je le vois arriver. Et il m’explique que pendant les deux années où je suis restée avec lui, il a découvert que je suis différente des anciens anti-émotionnels, qu’eux la réalité virtuelle leur suffisait pour avoir le déclic, mais qu’à moi, il me faut une vraie condition pour que mes émotions se réaniment. Donc le seul moyen, c’est de me faire passer chez les émotionnels.
– Je vais te confier à un très bon ami qui se nomme Gilbert, me dit le chef, il est dans l’armée et sera ton nouveau tuteur.
Le patron ouvre la porte et je remarque un homme qui se trouve de l’autre côté. Avant que je ne parte, je me retourne : « les personnes qui ont des émotions vont bien voir que je n’en ai pas et quand elles vont le découvrir, elles devront me ramener ici. Non ? » Gilbert prend la parole et me dit que ça va être compliqué pour eux de le voir car à l’armée les gens sont disciplinés et ont le devoir de cacher leurs émotions sur le front. Je me mêlerai bien aux autres. Le patron me dit au revoir et me fit comprendre avec son regard heureux mais tout en restant soucieux que je pourrai récupérer mes émotions.
La porte se referme et j’entre dans la turvoie volante du Général Gilbert. Il me dit que désormais, c’est comme ça que je dois l’appeler. Il m’explique qu’on retrouve très peu ou même aucune femme à l’armée car elles ont du mal à cacher leurs émotions durant les combats. Et l’une des qualités chez un soldat, c’est qu’il garde ses émotions enfouies en lui durant des assauts. « Donc je suis la seule fille de l’armée ? » Il me répond que oui et que du coup, j’ai droit à un privilège. J’aurai une chambre rien que pour moi. On arrive, il me donne ma clé électronique, me montre où est ma chambre et me laisse déballer mes affaires.
Trois ans sont passés depuis mon arrivée et toujours personne n’a découvert mon secret. J’arrive à la cafétéria et je ne vois personne alors que d’habitude elle est bourrée massacre.
– Charlotte qu’est-ce que tu fais là ?
Je me retourne et je vois Léon debout devant moi. Il court et me prends dans ses bras, m’assomme de questions et l’une d’elle est :
– Alors, tu as réussi les deux épreuves ?
Je lui fais signe de tête, que oui, je les ai réussies.
– Avant que tu ne répondes à toutes mes questions, nous devons partir livrer bataille aux Allemands.
Je lui demande si leur chef est avec eux ; il me fait signe que oui. Pendant mes trois ans d’intégration, un chef Allemand inconnu auparavant a commencé à nous attaquer sept mois après mon arrivée. Ce que je trouve bizarre. Nous courons jusqu’aux turvoies volantes, le pilote automatique me demande notre destination ; je lui dis « champ de bataille 4.7 ». C’est celui qui nous a été attribué à moi et aux autres militaires de la base.
Nous y sommes, les troupes se déploient, je suis dans le groupe de Léon. On nous lance des grenades électriques, tous les hommes sont à terre. Quelques minutes après, je ne vois toujours personne se relever, ils sont tous assommés. Même Léon n’a plus de force pour se remettre debout. Je prends mon courage à deux mains, j’attrape le pistolet à ondes électromagnétiques et tue les ennemis. J’envoie au Général Gilbert que la zone 4.7 est nettoyée.
– Alors ma petite Charlotte, tu es prête à réanimer tes émotions ?
Je tourne ma tête et je vois le patron une arme à la main. En voyant mon visage sans expression, il comprend que je n’ai toujours pas eu mon choc émotionnel. Je lui demande : « c’est vous le chef allemand qui a ordonné de nous attaquer ? » Il répond :
– Bien évidemment que c’est moi ! Tout scientifique qui se respecte vérifie par lui-même ses hypothèses et la mienne est que si je te tire dessus, je suis sûr que tes émotions reviendront.
Il pointe le pistolet vers moi et me dit avec un regard de fou : « je suis prêt à tout pour que mes anti- émotionnels n’en soient plus. »
Je m’accroupis pour éviter le tir comme on me l’a appris. Quand je me relève, je vois Léon devant moi, les mains pleines de sang. Il me regarde et s’écroule à terre. A ce moment-là, je sens comme une chaleur monter en moi. Je cours auprès de Léon, appuie sur sa blessure et le supplie de ne pas mourir. Et je sens que mes joues sont mouillées tout comme mes yeux. Je dis à voix basse « pourquoi est-ce que j’ai de l’eau qui s’échappe de mes yeux ? ». Léon me corrige et dit : « non Charlotte, ce sont des larmes ». Alors le patron crie : « j’ai réussi, j’ai réussi, elle est devenue une émotionnelle ! ».
D’un coup, le temps est comme figé et je vois le mot « félicitation » qui est marqué devant moi. J’enlève le casque de réalité virtuelle. Ce mot signifie que j’ai fini et réussi la deuxième épreuve. Cela veut dire que je suis officiellement une émotionnelle ! Ce test m’a peut-être pris 27 heures mais je l’ai réussi.