Moi, le plus bel ange déchu, à la retraite ! Le monde si parfait créé par mon père, ce monde rempli de bonheur et de joie – si pathétique quoi – a réussi à me mettre, moi, le plus terrifiant, le plus beau et charismatique ange à la porte de mon royaume des flammes ! Je me retrouvais donc à errer sur terre à la recherche d’occupations pour ne pas mourir d’ennui. L’avantage, quand on est le diable, c’est que les « occupations » viennent vite à vous. Ah les femmes, c’est bien ça qui m’avait le plus manqué. Parce que, bon, les démones, c’est sympa hein, mais ça a toujours des gouts un peu particuliers comme la fois où je me suis retrouvé attaché la tête à l’envers avec, posée sur mon visage, cette énorme paire de …bref, je m’éloigne du sujet. Le problème, quand on joue comme ça avec une femme humaine, c’est qu’on peut avoir des petites surprises. Et quand vous êtes aussi beau et séducteur que moi, les petites surprises, il y en a beaucoup. Je n’allais pas tarder à en faire l’expérience…
En effet, quelques mois après mon passage forcé sur terre, le monde parfait ne l’était plus autant, à en croire les arrivées de plus en plus nombreuses dans mon paradis de flammes. Je ne tardai donc pas à avoir la visite de mon très cher frère, Aménadiel qui, comme d’habitude quand il y a un problème, avait été envoyé aux enfers par mon père. Dans une famille, il faut toujours un bon et un mauvais garçon ; et bien le fils indigne et ingrat, c’est pas lui, c’est moi. Comme si j’étais le mal incarné alors que, je vous le demande, comment le mal pourrait-il se trouver dans ce corps aussi sexy et attirant qu’est le mien ?
Bref, selon lui, comme j’étais responsable du mal qui avait réinvesti la terre, je me devais d’y retourner en sa compagnie pour résoudre le problème. Après de nombreuses négociations, je finis par accepter en échange de le voir porter cette invention magnifique qui, perso, avait changé ma vie : le string. Jamais mes fesses n’avaient été aussi libres ; une invention qui me ressemble : classe, élégante et tellement sexy.
Notre première destination fut les États-Unis. Comme j’aime ce pays ; tout y est grandiose, comme moi ! Pourtant, dès notre arrivée, nous avons été violemment pris à parti par un homme qui, manifestement, ne supportait pas la vue de mon frère noir. Aménadiel, Monsieur-Je-Sais-Tout appelle cela du racisme. Pour avoir la paix, nous nous sommes réfugiés dans une chambre d’hôtel. Quelle horreur, généralement, je ne loue pas de chambre d’hôtel pour papoter avec mon frère… Et ce mec à l’accueil qui nous regardait bizarrement comme s’il n’avait jamais vu deux hommes en string…
Un peu plus tard, alors que je roulais un joint dans la rue, mon regard fut attiré par une affiche mettant en scène les présidents des trois plus grandes nations : les États-Unis, la Russie et la Chine avec cette devise : « ensemble pour régner ». Mais, à y regarder de plus près, je ne reconnaissais pas ces présidents, et ce, malgré mon intelligence et ma culture générale bien supérieures à la moyenne. À vrai dire; ces trois hommes – charmants d’ailleurs – me ressemblaient vaguement, en moins sexy, bien sûr. Leur petit nom à tous les trois: Morningstar: le même que moi ! Qu’ils soient fans, ok mais il y a des limites quand-même. Restait tout de même à leur parler pour tenter de comprendre cet exode infernal !
Inséparables, nos trois présidents étaient en tournée, nous avons donc pris la direction de la Chine. Après un voyage aussi long, je n’aurais pas dit non à une petite pause féminine. Mais rien, nada, pas un jupon en vue ; ici, les femmes sont à la maison, dans la cuisine ou à l’usine, une machine à coudre dans les mains. Selon Aménadiel, qui a décidément un terme pour tout ce qu’il voit , cela s’appelle du sexisme. Rien à voir malheureusement avec les strings : les femmes de ce pays sont considérées comme les noirs aux États-Unis. Tous ces peuples auraient-ils donc la même mentalité ? Notre cher et tendre papa n’avait-il donc pas réglé tous ces problèmes ? J’étais bon pour une seconde nuit à l’hôtel avec pour unique compagnie, mon bien cher frère. Incapable de me détendre, j’ai dû en plus me coltiner le journal télévisé dans lequel nous avons quand-même appris que nos trois présidents étaient…en Russie ! Et nous voilà repartis pour un nouveau tour du monde ; enfin, façon de parler ; cette fois, le voyage fut plus court.
Ah ! la Russie ! J’a-dore. Toutes ces personnes enchainées les unes aux autres, fouettées dans les champs en pleine nature par des hommes en joli uniforme, c’est si beau, si stimulant, si … sensuel. Bon, mon frère, rabat-joie de service, ne semble pas aussi emballé que moi ; il appelle ça de l’esclavage. Après tout, chacun appelle ça comme il veut. De toutes façons, nous n’avions pas le temps de tergiverser, nous devions nous rendre au G3. À peine arrivé, Aménadiel est écarté et emmené pas des hommes en uniforme ; je me réjouis pour lui, il va enfin faire de nouvelles expériences et, avec son petit string, il est déjà tout prêt. Quant à moi, j’aurais aimé le rejoindre mais, en digne sauveur du monde que je suis, je devais passer outre les dangers et mettre mon courage à l’épreuve.
De derrière la porte, je les entends répéter leur slogan : « Fini, l’idéalisme du monde parfait ; bienvenue à l’esclavagisme, au racisme et au sexisme; bienvenue dans le monde des Morningstar. » Tous ces mots, ce sont ceux qu’Aménadiel m’avait cités ; alors donc, s’il y a tant de personnes qui reviennent en Enfer, c’est à cause de ces trois mecs-là ? C’est à cause d’eux que je n’ai même plus une minute pour mes activités préférées ? Mais ces gens sont d’une cruauté sans nom ; ils doivent payer pour ça, pour m’avoir piqué mon nom et, accessoirement, pour tous ces jours que j’ai dû vivre avec mon frère – et vous savez à quel point c’est pénible.
Alors, j’ai ouvert la porte avec fracas ; surpris, ils se sont retournés et exclamés en choeur « Mais qui diable êtes-… ? ».
De ma belle et puissante voix, je les interromps : « Bien vu, oui, c’est moi, le diable, le prince des enfers ! Je sais, voir quelqu’un d’aussi beau peut causer un choc ; ça n’arrive pas tous les jours mais bon, passons, je ne suis pas ici pour ça mais pour vous … » et clac, ils m’ont coupé le clapet aussi sec : « Tu peux être fier de nous ; chaque jour, on essaie de faire comme toi, PAPA ! ».