Avril 2024, Paris, …
Six hommes et deux femmes entrent dans une salle de conférence quelque part dans le cinquième arrondissement. Une grande table est au centre de la pièce avec neuf chaises. Au fond de la salle, à gauche, se trouve un grand tableau blanc avec encore quelques vestiges de feutres datant d’une réunion précédente. Ils s’asseyent chacun à leur tour autour de la table. L’homme qui est entré en dernier s’appelle Ian Gort. Il se dirige vers le tableau et écrit, en grandes lettres,« Green Paradise ». Puis il revient vers la table et sort de sa serviette une liasse de feuilles et un IPad. Il caresse le haut de son crâne et il s’éclaircit la gorge. « Bonjour à tous, nous sommes ici pour parler de l’avancée de notre projet technico-écologique, à savoir Green Paradise. En ce qui me concerne, j’ai eu des retours mitigés de la part de mes supérieurs. Ils disent que certains points du projet sont menés à bien de manière juste et logique, mais que d’autres sont gérés de manière incohérente. Velma, tu pourrais faire un compte rendu de la situation ? » L’une des deux femmes soupire. Elle est âgée de trente-cinq ans, a des cheveux bruns mi-longs et des yeux d’un bleu glacial. Elle lève les yeux de son calepin et répond : « Il y a un peu plus de deux ans, le monde a enfin pu se débarrasser du fléau appelé Coronavirus. Il a fallu à peu près un an pour que le globe puisse se relever et que tout redevienne comme avant. Enfin, à peu de choses près… »
« Merci Velma. Troy tu nous explique la suite ? » La jeune femme, exaspérée qu’on lui ait coupé la parole commença à triturer nerveusement une mèche de cheveux. Troy, un informaticien de tente deux ans, la regarda d’un air narquois et répondit par l’affirmative à Ian. « Ensuite, les ministres de l’environnement et de la santé de chaque pays du monde se sont concertés et ont admis d’un accord à un accord que l’homme prenait trop de place sur terre et qu’il fallait qu’il créée une nouvelle société qui ne nuirait plus à la planète. » Ian passa la parole à la seconde femme, Ambre. « Et ce paradis créé par l’homme s’appelle Green Paradise et a été concrétisé il y a un mois de cela par des écologistes, en l’occurrence Ben et moi, et des informaticiens dont Troy et Velma font partie. Mais, patron, tout ça on le sait déjà. Pourquoi on est obligés de répéter ça à chaque réunion ? »
Ben, peau mate, cheveux bouclés, yeux quasiment noirs et nez en trompette approuva. C’était au tour de Ian de soupirer. « C’est juste le protocole. Moi aussi je trouve ça franchement ridicule, mais bon c’est pas moi qui décide ! Ben, où en sommes-nous par rapports aux nouvelles lois gouvernementales concernant l’environnement ? » Ben sortit de ses pensées et expliqua : « La loi sur l’interdiction de l’utilisation de plastique a été appliquée depuis trois semaines et cela fait des miracles malgré le fait qu’une partie de la population ait encore du mal à s’en séparer. D’ici un an, si tout se passe bien, la grosse majorité du plastique sur Terre aura pu être rassemblé et recyclé et il sera remplacé par des récipients en verre et en fibres de bois. » Velma le regarda en rigolant nerveusement. « En fibre de bois ? Qu’est-ce que tu as encore été fumer pour raconter de telles âneries ? lui dit-elle en se moquant de lui. » Ian la regarda sévèrement et elle s’arrêta de rire d’un coup. « Explique-nous ton idée de fibre de bois, Ben !» l’encouragea-t-il.
« C’est une matière biodégradable extraite de troncs d’arbres morts. Il faut une infime quantité de fibres pour fabriquer un tupperware, et donc cela allégera nettement la déforestation vu que nous n’extrayons celle-ci que sur des troncs d’arbres qui sont déjà tombés au sol. »
« Excellent, excellent ! lui répondit Ian. Qui devait s’occuper de la suppression du caoutchouc et du pétrole ? » Ambre et Velma levèrent la main.
« Les pneus seront remplacés par des roues en métal quotidiennement huilées par les propriétaires des vélos et le pétrole sera remplacé par de l’huile provenant de fleurs proches des tournesols répondit Ambre. » En entendant cela, Troy recracha son café macchiato en hurlant de rire.
« Tu comptes sauver la planète avec de l’huile de tournesol ?! dit-il en riant de plus belle. »
« Et toi tu comptes faire quoi ? Inventer des machines qui remplaceraient le goudron des routes et l’essence des voitures ? répliqua-t-elle »
« Pas besoin, vu que, premièrement, les voitures seront rechargeables par de simples boutons, et que le goudron ne sera plus d’utilité vu que les routes seront rénovées avec de la pierre et du granit ! »
« Vous les informaticiens vous vous moquez toujours des recours des écologistes, mais nous au moins on n’ est pas toute la journée collés à nos écrans pour ressembler à des zombies à la fin de la journée ! Nous on a encore des contacts avec la nature. Si, au moins, vous savez encore ce que c’est… » répliqua Ben.
« Oui bien ça c’est typiquement un cliché hein ! s’énerva Velma. Vous passez votre journée à vous plaindre de nous, mais c’est quand même nous qui avons aidé à financer les trois quarts du projet ! Alors ton panégyrique sur la force de la nature ,il ne vaut rien du tout ! »
« Désolé de te contredire Velma, mais le terme panégyrique est employé pour désigner le fait de faire l’ éloge d’ une personne, expliqua Ian. Et là tu l’as mal utilisé. » Ambre éclata de rire et s’empressa d’ajouter : « Je suis sûre qu’elle a dû retenir ce mot en faisant une recherche internet, sauf qu’elle ne s’est même pas donné la peine de se souvenir du bon emploi du mot en question ! » Ben se mit à rire lui aussi.
« Bon ça suffit maintenant ! explosa Ian. Nous sommes ici pour sauver la boîte et vous ne faites que vous disputer comme des enfants ! » Cela fit taire tout le monde et on entendit du bruit dehors. Ils se regardèrent et se ruèrent à la fenêtre. Dehors, il commença à grêler de façon effrénée. Mais ce n’est pas ça qui produisit le plus de bruit. L’aménagement d’un nouveau projet de Green Paradise trop près d’une forêt avait fait fuir la majorité des animaux de la forêt en question. Des renards, des cervidés, des sangliers, tous étaient condamnés à errer dans la ville, à fouiller les poubelles des restaurants et bistrots, et d’autres mouraient de faim. Ian reprit la parole : « Voilà, vous savez la situation actuelle maintenant… J’essaie de convaincre mes supérieurs depuis deux mois de ne pas fermer la boîte, mais rien n’y fait : nous sommes destinés à trouver un autre travail, chers collègues. L’homme a trop abusé de la nature. Les catastrophes naturelles ne se produisent pas juste comme ça de temps en temps, c’est la nature qui se rebelle. Elle se rebelle pour protester contre le fait qu’elle soit surexploitée jour et nuit depuis plusieurs millénaires. »
Le quatrième homme prit alors la parole : « Bonjour, je m’appelle Devy Rabed et je suis ici pour régler le problème de votre agence. Alors, à vous de décider : soit on la vend, soit on en fait quelque chose de plus conséquent. »
« Du genre ? demanda Troy. »
« Du genre une agence qui pourrait s’associer avec une agence aérospatiale par exemple. Nous avons assez fait de mal à cette planète comme ça. Il est temps que l’être humain migre autre part. »
« Mais ça ne peut pas se terminer comme ça enfin ! répliqua Ben, outré. Pas après tous les efforts que nous avons fournis ! On ne peut pas baisser les bras si tôt alors que nous ne. sommes qu’au début de la démarche ! »
« De quelle démarche tu parles ? demanda Velma. »
« Vous ne comprenez donc pas ? questionna Ian. C’est une mise à l’épreuve ! Nous avons l’occasion de faire de Green Paradise autre chose qu’une pseudo-société écolo-technologique qui nous apprendrait à mieux habiter sur Terre. Je vous propose de garder le nom de Green Paradise, mais cette fois pour une nouvelle société qui apprendrait à vivre avec la nature. Une nouvelle humanité qui prendrait le futur en mains ! Le vrai Green Paradise ,c’est le seul futur possible » . Et pour une fois, ses collègues ne trouvèrent rien à redire…