Il ne pense toujours à rien de précis en tout cas c’est ce que l’on peut penser quand on le voit avachi sur la rambarde du toit de l’école, en train de regarder la ville. Il s’appelle Éric toujours premier dans n’importe quelle matière scientifique mais apparemment quasi incapable d’avoir des interactions sociales je suis le seul à qui il parle un peu sinon il s’isole la plupart du temps.

Pour déjà avoir pu admirer cette vue, je peux comprendre qu’on y reste longtemps, mais lui, le regard vide, peut passer plusieurs heures à juste observer ce qu’il se passe : les voitures automatiques qui fusent à des vitesses incroyables, les drones de livraisons qui volent de partout mais dont le bruit est quasi inexistant ainsi que tous les immenses buildings qui composent majoritairement la ville mais surtout la tour Sibylle en plein milieu, plus grande que tout.

Je ne peux m’empêcher de me demander si un jour j’arriverai à travailler à la tour Sibylle parmi l’élite des ingénieurs de ce pays mais en tout cas ce que je sais c’est qu’Éric veut y travailler aussi et il a de grandes chances d’y arriver.

« Il faudrait que l’homme évolue ». Cette phrase a été le début du plus grand changement de l’humanité.

Il y a une trentaine d’années, des scientifiques ont découvert que la créativité de l’homme atteindrait sa limite dans un avenir proche, en conséquence certains ont commencé à penser qu’il faudrait que l’homme évolue, le dire est une chose le faire en est une autre, il a donc été décidé de créer une intelligence artificielle nommée Sibylle capable de créer pour nous. Cette intelligence artificielle a réussi en quelque années à améliorer la qualité de vie de la quasi-totalité de la population, et ce grâce à de grandes avancées scientifiques et technologiques.

Aujourd’hui tout le monde fait confiance à Sibylle mais je ne peux m’empêcher de penser à une chose, que se passerait-il si Sibylle arrêtait de fonctionner ? Qu’adviendrait-il de l’humanité ?

« Alors vous pensez quoi de l’intro de mon reportage ?

– Tu te moques de moi j’espère.

– Il y a un problème ?

– Le problème c’est que rien ne va, tout le monde connait l’histoire de Sibylle tu n’apprends rien à personne et surtout on n’en a rien à faire de ce que tu penses.

Tu sais j’ai accepté de de prendre dans mon journal malgré le fait que tu as raté le concours d’ingénierie, parce que le programme d’insertion de Sibylle t’a recommandé, mais quand je vois une intro comme ça j’ai l’impression que la période d’essai du programme va encore durer longtemps. Au prochain projet que je ne valide pas tu pourras prendre tes affaires et partir, c’est bien compris ?

– Oui, je vais faire de mon mieux.

– Ah et une dernière chose je me demandais si tu continuais de faire des enregistrements audios de tes journées ?

– Oui je continue on ne sait jamais quand les informations utiles peuvent arriver, je tiens aussi un carnet où je note mes pensées ou mes idées.

– Au moins avec ça tu as au moins un peu l’air d’un journaliste.

< Fin de l’appel >

 

* BAM *

 » Qu’est-ce que les types comme ça sont énervants, ils se sentent supérieurs juste parce qu’ils ont un peu de pouvoir sur les autres. »

Au final j’ai décidé de ne pas abandonner mon idée d’article sur Sibylle. Pour m’aider dans ce projet j’ai contacté Éric, qui lui a réussi le concours d’ingénieurs et ça tout le monde le sait vu qu’il a établi un nouveau record à 96%,heureusement depuis la fin de nos études on est restés en contact.

J’ai donc décidé de le revoir pour pouvoir lui poser quelques questions sur Sibylle.

Il était presque midi, il faisait étrangement froid. D’habitude les régulateurs de température la maintenaient aux alentours des 19°C pourtant il ne faisait que 15°C. Je me suis simplement dit que j’allais demander à Éric d’où venait le problème. Je ne l’avais pas revu depuis que l’on avait quitté l’école pour aller chacun dans une université différente. J’étais impatient de voir ce qu’il était devenu , lui qui restait toujours seul à admirer ce que Sibylle avait créé, maintenant qu’il en fait partie il doit être comblé.

Au final il est arrivé quelque minute après moi, il était rayonnant, j’avais apparemment raison, nous avons rapidement parlé de tout et de rien sur le chemin du restaurant qu’il avait choisi. Le restaurant, en plein centre-ville, était un des plus chic, je n’avais jamais mis les pieds dans un tel endroit et j’ai été peu déstabilisé, j’avais l’impression de ne pas être à ma place comme si je venais d’entrer dans un autre monde.

J’ai fini par reprendre mes esprits et nous sommes allés nous installer près de la fenêtre.

« Est -ce que tu savais que l’on pouvait voir notre école depuis ici ? » c’est la première chose qu’il m’a dite quand on s’est assis. J’ai donc regardé par la fenêtre et j’ai fini par trouver ce petit point blanc au milieu de la banlieue dans laquelle nous nous étions rencontrés.

– C’est vrai il y a 7 ans que l’on s’est rencontré si je me rappelle bien.

– Effectivement, sur le toit de l’école.

– Tu as pas mal changé depuis, tu es devenu beaucoup plus épanoui et rayonnant.

– Bien évidemment, je fais le métier dont j’ai toujours rêvé, d’ailleurs je ne te l’ai pas encore dit mais à partir de demain je passe niveau d’accréditation 9.

– Sérieux, tu es déjà au niveau d’accréditation maximum.

– Oui je vais pouvoir travailler directement sur le système Sibylle au lieu des composants externes.

– En parlant de composants externes tu sais pourquoi les régulateurs de température ne fonctionnent pas comme d’habitude ?

– De ce que je sais c’est une baisse de régime du système mais je pourrai m’en occuper demain. Mais sinon toi comment ça va à ton travail ?

– Pas très bien, si je rate encore mon prochain reportage je suis fichu.

– Tu vas t’en sortir ?

– Je compte le faire sur Sibylle et je voudrais que tu m’aides en ma parlant des certains trucs que le public ne connait pas sur le système.

– Je suis vraiment désolé mais je ne peux pas, mon contrat me l’interdit, et je ne peux pas mettre ma promotion en danger.

– Je comprends … je me débrouillerai.

Nous avons continué de parler de tout et de rien de ce que nous avions, et ce jusqu’à ce qu’il aille payer. Je ne sais pas si c’est la curiosité ou la peur de perdre mon travail qui m’ont poussé à faire ça mais j’ai commencé à fouiller son sac jusqu’à trouver le sésame, une carte d’accès d’accréditation 9. Je suis rentré chez moi directement sans aucun détour.

Depuis que j’ai récupéré la carte, je n’arrête pas de me poser la question « est-ce que c’est le bon choix ? « , cette question m’est revenue plusieurs fois jusqu’au lendemain où j’ai décidé d’aller voir ce qu’était Sibylle avant qu’il la carte ne soit désactivée. Les gens ont le droit de savoir comment fonctionne l’IA la plus importante du monde.

Je me suis donc dirigé vers la tour Sibylle, des gens y entrent et en sortent en permanence. Après tout, elle sert aussi de bureau d’affaires, je me suis dirigé vers l’ascenseur réservé aux l’ingénieurs, en passant la carte d’Éric le seul étage disponible était le 5^ème sous-sol au fin fond de la tour, je pensais qu’il travaillait au dernier étage, pourtant le temps de descente est tellement long que je croyais que j’allais arriver au centre de la terre.

Je me trouve devant une énorme porte. La dernière porte avant la vérité, je ne sais pas si je devrais être là mais je ne peux plus reculer.

< Accès autorisé >

 » C’est donc ça Sibylle !!! Pour le moment c’est assez décevant, c’est juste une immense pièce avec des milliers de cubes colorés, au sol qui ont l’air d’être remplis d’une espèce de liquide.

Qu’y a-t-il à l’intérieur de ces cubes d’ailleurs ? »

Au moment où j’ai regardé à l’intérieur de ces cubes, j’ai su que j’avais fait le mauvais choix, la totalité de cette pièce était en fait remplie de cerveau humain tous connectés entre eux.

« C’est possible c’est donc ça le vrai Sibylle.

– Effectivement.

Cette voix qui me semblait familière venait de derrière moi, je me suis vite retourné et j’ai vu Éric qui se tenait juste devant la porte.

– Toi, tu es au courant de la vérité sur Sibylle, comment peux-tu supporter ça ?

– Comment ne pourrions-nous pas supporter ce que nous sommes.

– Attends-tu veux dire que tu fais partie de ce truc maintenant.

– Effectivement nous l’avons assimilé, grâce à lui nous pouvons d’ailleurs de nouveau contrôler parfaitement les régulateurs de température.

– Le niveau 9 en fait c’est juste une obligation de faire partie de Sibylle.

– Effectivement, mais malheureusement pour vous, vous en possédez une aussi.

– Je n’ai aucune chance de m’en sortir pas vrai ?

– Tout à fait.

– Au moins je sais maintenant que Sibylle n’arrêtera jamais de créer pour l’homme.

 

< Fin de la suppression des souvenirs de l’individu : ID_1302313>

< Accréditation de l’individu : ID_13023133 augmenté au niveau 9 >

< Début de l’assimilation >