Depuis que l’Homme a inventé la technologie, plus rien ne va. Elle s’immisce dans nos vies, s’impose à nous. A chaque jour qui passe, elle prend de plus en plus racine dans notre quotidien, nous faisant oublier qui nous sommes réellement, et à quoi la vie ressemblait. Nicholas, lui, n’a pas oublié, bien que le monde dans lequel il vit semble tourner selon une autre loi qu’autrefois. Mais si seules les mentalités ont évolué, les Hommes étaient trop orgueilleux, pour écouter les conseils de ceux qui savaient ce que représentait cet essor : le début de la fin. Aujourd’hui, cela fait près de six décennies que les avertissements des anciens ont été ignorés. Et pourtant, rien n’a changé. Désormais, la société Cobalt domine le monde. En implantant une puce électronique dans la nuque de chaque individu de plus de dix-huit ans, Cobalt assure ainsi sa supériorité mondiale. Un conditionnement presque synchronisé se met en place dès l’âge adulte.
Depuis son plus jeune âge, Nicholas est passionné par les reliques du passé. Pour l’y aider, Reagan Atlas, un homme que le gouvernement et les années avaient fini par rendre méconnu. Désormais, il erre comme une âme en peine, trouvant un peu de réconfort dans ces moments passés avec le jeune garçon qui, bien qu’il en ignore la raison, continue de venir le voir chaque soir. Reagan Atlas a décidé de taire au reste du monde ce que ses ancêtres ont mis si longtemps à rassembler. Grâce à eux, il est en possession de tout un attirail d’objets, certains dont l’importance dépasse l’entendement. Ce n’est qu’après y avoir longuement songé, qu’il décide de les présenter au jeune Nicholas. Parce qu’il sait que celui-ci a le cœur bon, mais que, contrairement à lui, il sera capable de tout faire changer. Mais ce qu’Atlas ignore, c’est que, dissimulé sous un tas de vieilleries, est caché un objet à la valeur considérable. Il est 22.30. Comme chaque soir de semaine, Nicholas rejoint Reagan chez lui. Ce qu’il ignore, c’est que ce soir, il fera une découverte étonnante.
« Suis-moi, gamin » lui dit Atlas, dès que le garçon eut passé le seuil. « Ne pose pas de question et contente-toi de me suivre. »
Après avoir ouvert une porte qu’il n’avait jamais vue, Nicholas sent son cœur d’emballer. « Je n’y crois pas ! Et depuis tout ce temps, vous ne m’aviez rien dit ? »
« Il fallait que je te teste, mon garçon. Pour être sûr de ta clairvoyance. Mais désormais, j’ai toute confiance en toi. Regarde autour de toi, ajouta-t-il, après un moment de silence, tous ces objets ici, ont été sauvés de la destruction par mes ancêtres. Des hommes bien plus intelligents que moi, qui savaient à quel point ils ont de la valeur, d’avantage aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Et plus important encore, ils représentent un danger pour Cobalt. »
« Cobalt ? Quel est le rapport entre ces objets et Cobalt ? »
« L’expansion de Cobalt n’était pas du goût de tous, pourtant, nous y avons eu droit. Et dans les mois qui suivirent, des personnes qui ont tenté de l’empêcher ont été retrouvés mortes. Accidents de voiture, incendies, suicides… Mais tu te doutes bien qu’aucun de ces décès n’étaient naturels. Cobalt les avait faits disparaître. J’étais jeune à l’époque des premières implantations. Dès les débuts de Cobalt, mes parents se sont méfiés de cette soudaine garantie de paix. Ils craignaient qu’un jour, les hommes soient dépassés par l’ampleur de la technologie et finissent par passer sous sa domination. Et c’est finalement ce qui s’est produit. Après cela, mes parents ont rejoint une communauté de résistants, dirions-nous. Toute une équipe de scientifiques, chercheurs et autres érudits, unis dans un même but, la destruction de Cobalt. »
« Qu’est-il advenu de vos parents ? Et des autres résistants ? » demanda Nicholas.
« Morts, avant d’avoir pu ne serait-ce qu’atteindre leur objectif. Mais je suppose qu’il réside toujours des groupes de chercheurs quelque part, bien dissimulés aux yeux de Cobalt. Après la mort de mes parents, j’ai décidé de continuer leur combat. Mais de m’y prendre autrement. Si détruire Cobalt dans l’ombre était un échec, pourquoi ne pas tenter de le désamorcer en pleine lumière ? Alors je suis à mon tour devenu leader d’une idéologie, celle qui pourrait reprendre le contrôle des mains de Cobalt. J’étais encore jeune, et mes idées me portaient bien plus que nos actions ne parviendraient jamais à le faire. Très vite, j’eus à échapper à diverses tentatives d’assassinats. À ce moment-là, je me suis une chose qui m’a empli de fierté. C’était que je ne devais pas être loin de découvrir un élément essentiel, si j’étais tout d’un coup devenu une cible à abattre. »
Quelques jours après les révélations de Reagan, Nicholas était toujours occupé à ressasser ce que son ami lui avait confié, et à se triturer le cerveau à la recherche d’une quelconque façon de parvenir à mettre fin au règne de Cobalt. Parce qu’il ne croyait pas aux miracles, Nicholas savait que pour faire changer les choses, il fallait agir. Cela n’était malheureusement pas chose aisée. Il craignait que faire des recherches sur le net n’attirent l’attention du gouvernement. Dans ce cas, il n’avait qu’à retourner aux bonnes vieilles méthodes : la bibliothèque. Situé en plein centre-ville et orné de néons, il n’était pas facile de réaliser que l’édifice qui possédait plusieurs milliers d’ouvrages, avait autrefois servi de prison, avant que tous les bâtiments trop austères soient détruits. Mais, par on ne sait quel miracle, l’ancien établissement carcéral avait réussi à échapper aux mailles du système. Désormais, les anciennes cellules avaient toutes été détruites, pour laisser place à des étagères plus hautes les unes que les autres, sur lesquels reposaient les derniers objets à caractère ancien : des livres.
Arrivé dans l’immense hall de la bibliothèque, Nicholas se sentit d’un coup gardien d’une grande responsabilité, celle d’en apprendre davantage sur l’époque, qui, auparavant vivait sans l’influence de Cobalt. Lorsque les gens pouvaient être qui ils voulaient être, sans se soucier de cette intelligence qui prend désormais racine dans leur tête, et qui leur dicte, comment se comporter. Si avec les années Nicholas avait acquis une certaine facilité à dénicher des informations sur son ordinateur, retranscrire cette capacité pour trouver un livre en particulier s’avéra bien plus complexe qu’il ne l’avait prévu. Après avoir trouvé avec difficulté les livres qui lui semblèrent utiles, pendant des heures, il lut, apprit, et comprit, bien des choses sur Cobalt, sur ses créateurs, ses développeurs. Mais encore plus sur Cobalt lui-même. À l’origine, le cobalt est un élément chimique essentiel au bon fonctionnement de l’organisme. Une carence en cobalt peut donc s’avérer dangereuse, et peut entraîner des troubles neurologiques, des lésions nerveuses, des pertes de mémoire.
En 2156, époque de la création de Cobalt, de nombreuses personnes tombèrent malade, victimes d’importantes carences en cobalt, dont les symptômes s’exprimaient pour tous par de sévères troubles psychologiques. Il ne s’agissait pas d’une épidémie. Seulement d’une carence alimentaire, mais qui, pour des raisons inconnues, touchait des personnes partout dans le monde, et tuait plus de gens qu’elle n’aurait dû. Pour remédier à ce mal, des scientifiques conçurent une puce qui, implantée au niveau de la nuque, libérait des substances neurologiques, la plupart créées en laboratoires, ayant pour but de protéger la conscience de l’hôte contre des assauts de plus en plus redoutables. Si leurs intentions étaient plus qu’honorables, des effets secondaires néfastes se manifestèrent. En effet, les psychoses et lésions étaient désormais finies, mais, en plus de cela, les implants avaient tendance à troubler la personnalité des populations, les rendant bien trop sensibles aux pensées que leur soufflaient leur puce.
Encore ébranlé et sous le choc de ce qu’il vient de découvrir, c’est le cœur lourd que Nicholas rentre chez lui. Si Cobalt est capable de faire accepter ce qu’il veut à qui il le souhaite, comment s’y prendre pour l’arrêter ? Après réflexion, le jeune garçon pensa que s’il était incapable d’empêcher la propagation des implants de Cobalt dans le monde, il devait peut-être trouver un moyen de stopper la production de ces puces. Il se trouve en outre, qu’avant d’être envoyées aux quatre coins du monde, toutes les puces étaient fabriquées dans un seul et même bâtiment. Mais bien-sûr, sa localisation était tenue secrète. C’est alors qu’une pensée traversa l’esprit de Nicholas. Se souvenant de la découverte qu’il avait fait quelques jours plus tôt chez Reagan, il se remémora avoir aperçu un boîtier orné du logo de la société. Intrigué, il décida donc de retourner dès le soir venu chez son ami pour en découvrir la raison.
Le lendemain matin, Nicholas observait attentivement le coffret récupéré la veille dans la cave de Reagan, dans l’espoir que, peut-être, celui-ci lui dévoile ses secrets. Il le maniait avec autant de délicatesse que possible, car au plus profond de lui, il le sentait, ce boitier était la clé. Toujours clos sur ses genoux, Nicholas redoutait autant qu’il espérait l’instant où il l’ouvrirait. Décidé, il souleva le loquet. A l’intérieur, une clé USB. Il se précipita alors dans sa chambre, alluma son ordinateur et y connecta la clé. Une série de codes informatiques se mirent à défiler sur son écran. Il passa la nuit et l’entièreté de la journée suivante à tenter de percer les mystères de ce programme, lançant divers algorithmes, pour tenter de déchiffrer le code. Alors qu’il commençait doucement à perdre espoir, son écran s’illumina, au milieu duquel une phrase apparut.
DISABLING C.O.B.A.L.T
YES □ NO □
La nuit du 25 au 26 octobre 2221, une coupure de courant paralysa toute la capitale américaine, plongeant la population dans l’incompréhension. Après le passage des experts, la vérité éclata : la bibliothèque de la ville fut le cœur d’un court-circuit de ses serveurs, qui étaient jusqu’à ce jour, dissimulés dans les sous-sols de l’établissement.
Extrait du New York Times
26 octobre 2221
Dans le passé, la technologie a été un bienfait pour l’homme, maintenant elle devient un danger. Même en tant de paix elle commence à détruire la terre.
Edward Bond