J’ai enfin obtenu la garde complète d’Alexia. Il était temps, ce n’était plus possible de vivre comme ça. Mon ex-mari est devenu méchant et limite dangereux pour elle comme pour moi. Ça me rassure de la savoir auprès de moi. Il faut vraiment qu’on prenne des vacances, de vraies vacances. Avec tout ce qu’elle a dû endurer pendant le divorce, Alexia mérite de partir avec moi. Je pense que cette séparation a dû être compliquée pour elle. Il faut faire un break et je veux lui montrer que, même si son père ne vit plus avec nous, on peut faire de belles choses ensemble.
Nous ne sommes jamais parties toutes les deux et j’ai hâte de me retrouver avec elle et de prendre ensemble un nouveau départ. Nous n’avons jamais quitté notre continent qui autrefois s’appelait « Europe ». Avant, l’Europe ne formait qu’un seul et même ensemble. Aujourd’hui, ce territoire s’est morcelé en trois parties éparpillées comme des grandes îles à cause d’un tremblement de terre gigantesque qui est survenu en 2042, conséquence du réchauffement climatique.
- Maman, je sais où on pourrait partir en vacances.
- Ah oui, ou ça ?
- Au Brésil. J’ai vu un hôtel avec piscine, restaurant et spa. Ça a l’aire vraiment trop bien.
- Oui c’est une bonne idée mais vérifie bien que l’avion soit écologique sinon c’est hors de question ! Tu sais bien que je ne voyage que si c’est écologique.
- T’inquiète maman, j’ai tout vérifié. En plus, ils font des réductions sur le net. On réserve ?
Je n’ai pris l’avion qu’une seule fois dans ma vie. Depuis ce fameux accident, en 2035, les avions ont été interdits. Mais aujourd’hui, tout va changer. La technologie a évolué. Depuis peu les avions verts survolent à nouveau le ciel et relie les terres et les hommes. Alors, même si je suis méfiante, j’ai envie d’y croire, à cette nouvelle technologie non-polluante. Au fond de moi, je doute encore. Oh et puis zut, il est temps de tourner la page et de se lancer dans l’aventure. Et puis, cet hôtel au Brésil a vraiment l’air magique. Ni une ni deux, je confirme la réservation depuis mon portable. Nous partons dans une semaine…
- Chérie, tu as fini tes bagages ? Il est temps. Le taxi arrive dans moins d’une heure ! Quoi ? Tu es encore dans ton lit ! Et ta valise à moitié vide !
- Maman !!! J’arrive, arrête de stresser, je serai prête à temps ne t’inquiète pas.
Ding-dong !
- Ah tiens, le voilà. Alexia, dépêche-toi le taxi pour l’aéroport nous attend !
Ce nouvel aéroport est vraiment immense, on s’y perdrait facilement. J’ai l’impression de reconnaître quelqu’un là-bas au loin. Mais oui, c’est Léa et Jean, le père et la meilleure amie d’Alexia.
- Salut, ça va ? Ça fait longtemps ! Tu vas où en vacances ?
- Je vais au Brésil dans l’hôtel Seaworld et toi ?
- C’est pas vrai toi aussi ? On ira ensemble ! C’est dingue ça !
- C’est trop cool !
Alexia est aux anges à l’idée de partir dans ce pays si beau et en plus avec sa meilleure amie. Léa et Alexia se connaissent depuis qu’elles sont rentrées à la crèche et ça a direct collé entre elles et leur amitié dure depuis 14 ans maintenant. Le père de Léa, Jean, je ne le connais pas très bien. Alexia m’a raconté comment il est devenu veuf. Sa femme a eu un cancer qui au départ n’était que de la gorge mais qui s’est généralisé en à peine quelques mois. Les médecins ont cru que c’était une simple maladie mais quand ils ont su que c’était un cancer, il était trop tard.
- Il est temps d’y aller maintenant, allons prendre place dans l’avion, il reste peu de temps avant le décollage
- Bienvenue dans le vol 2156 à destination de Rio de Janeiro. Il est actuellement 12h58. Selon notre plan de vol nous devrions atteindre notre destination vers 10h30 heure locale. Nous vous souhaitons un bon vol.
C’est parti ! Waouw, c’est tellement beau. Je ne me rappelais plus combien la vue depuis l’avion pouvait être magnifique, presque magique.
2 heures plus tard…
- Mesdames et messieurs, nous approchons d’une zone de turbulences. Merci d’attacher vos ceintures, relever vos tablettes et ranger vos effets personnels dans les compartiments ou sous votre siège.
Ça secoue vraiment fort et ma sérénité du début de voyage fait place maintenant à une certaine angoisse. J’essaye de ne pas la montrer à Alexia mais c’est assez compliqué. J’espère que l’avion sortira vite de cette zone…
Pendant ce temps dans le cockpit :
- Mayday mayday, ici le vol 2156, nous avons un problème avec les réacteurs deux et trois. Le pompe à combustible biologique ne fonctionne plus. Impossible de relancer les réacteurs.
- Est-ce que quelqu’un nous entend ?
- Mayday mayday, ici le vol 2156, nous perdons de l’altitude. Nous avons besoin d’aide de toute urgence je répète ici le vol 2156…
- Allô, est-ce que quelqu’un me reçoit ?
Je sens bien qu’Alexia n’est pas à l’aise non plus.
- Maman, que ce passe-t-il ?
- Je ne sais pas Alexia. Reste calme, bien au fond de ton siège et tout ira bien.
Nous perdons de l’altitude à une vitesse anormale. Voyant l’avion se rapprocher de plus en plus du bleu de l’océan, je me rends compte rapidement que la suite du voyage risque de tourner au cauchemar. Je prends alors la main d’Alexia dans la mienne et la serre tant que je peux. Je voyais bien dans ses yeux qu’elle avait compris ce qui allait se produire mais j’ai bien vu ses efforts pour ne pas me montrer qu’elle aussi avait peur. Les autres passagers effrayés par la situation s’affolent tout autour de nous. C’est la panique générale et alors que des cris provenant d’un peu partout dans l’appareil, le choc se produit. L’avion vient de percuter la surface de l’eau dans un bruit assourdissant. Tout est sens dessus dessous. Il y a de la fumée dans la cabine et j’ai du mal à me repérer entre les masques à oxygène qui pendent et les affaires tombées des compartiments à bagages.
- Maman tu es là ? Maman ?
- Je suis là. Vite, remonte vers les portes de sorties, je te suis.
Non loin de nous, je reconnais une voix.
- Au secours je suis coincée.
C’est Léa. Elle a la jambe coincée entre deux sièges. Avec le choc les sièges se sont déplacés l’un vers l’autre. C’est horrible. Autour de moi, plusieurs personnes ont perdu la vie, certaines sont bloquées et d’autres juste introuvables.
L’eau commence à monter et si on ne se dépêche pas on risque de ne pas pouvoir sortir de cet avion vivantes.
- Je te tiens ne t’inquiète pas Léa.
- Je crois que ma jambe est cassée, je n’arrive plus à la bouger
- Attends, je vais te dégager de là
- Et où est mon père. Tu ne l’as pas vu ?
- Non, je ne l’ai pas vu. Ne reste pas là, viens vite, il faut sortir de l’avion. Appuie-toi sur moi.
A ce moment-là je crains le pire. L’eau monte à une vitesse impressionnante.
Il est très difficile d’atteindre les portes de l’avion car tout le monde se bouscule pour pouvoir sortir. Une vraie boucherie. Après un certain temps, je finis par apercevoir Alexia qui me fait des grands signes de la main. Alors que nous approchons de la sortie, une explosion retentit. Un hublot à l’avant de l’avion venait de céder sous l’effet de la pression. L’eau monte encore plus vite et augmentant encore plus l’hystérie collective. Il faut à tout prix que j’atteigne Alexia avec ou sans le père de Léa.
Nous sommes sept dans l’eau. Il y a parmi nous un jeune couple qui à mon avis venaient de se marier, une vieille dame qui se tient de toutes ses forces à une planche qui lui sert de bouée, un homme d’affaire qui semble ne pas se rendre compte de la situation. Léa, quant à elle, pleure à chaud de larmes mais je ne sais si c’est à cause de sa jambe ou si elle s’était rendue compte que son père ne faisait pas partie des naufragés. Alexia et moi sommes côté à côté. Je suis tellement désolée, moi qui voulais tant lui offrir les plus belles vacances de sa vie. L’avion est presque totalement immergé maintenant. Des personnes sont encore coincées à l’intérieur mais il m’est impossible de leur porter secours. Je regarde impuissante l’avion sombrer petit à petit. Nous nous retrouvons au milieu de l’océan sans rien à l’horizon, en train de nous noyer dans du carburant. Au moins il est vert…